Mo Yan, pseudonyme signifiant “Celui qui ne parle pas”, est le nom de l’écrivain chinois qui a remporté le Prix Nobel de Littérature cette année. Derrière ce nom se cache une voix puissante, capable de fusionner le fantastique avec une réalité brute, et d’entrelacer histoire et contemporain dans un style unique.
Lors de l’annonce des résultats, l’Académie suédoise a déclaré que Mo Yan, âgé de 57 ans, excelle dans l’art de fusionner le réalisme hallucinatoire avec les contes populaires, l’histoire et la vie moderne. Cette distinction fait de lui le premier écrivain chinois à recevoir un Prix Nobel de Littérature en tant que citoyen chinois, bien que Gao Xingjian, lauréat en 2000, ait été d’origine chinoise, il avait acquis la nationalité française après avoir émigré en France. De même, Pearl Buck, lauréate en 1938 pour ses riches descriptions de la vie paysanne en Chine, était une auteure américaine. Mo Yan, lui, est enraciné dans sa terre natale, ce qui ajoute une dimension singulière à sa victoire.
Le Prix Nobel de Littérature est décerné à l’écrivain qui, selon l’Académie, a produit une œuvre remarquable dans une direction idéale. Parmi les précédents lauréats, on compte des figures emblématiques telles que Samuel Beckett, Doris Lessing, et plus récemment, le poète suédois Tomas Tranströmer.
L’écriture de Mo Yan, dont le véritable nom est Guan Moye, puise sa force dans ses origines paysannes. Ayant quitté l’école à l’âge de 12 ans, il a travaillé dans les champs avant de rejoindre l’armée, où il a reçu une éducation. Son premier livre a été publié en 1981, mais c’est avec Le Clan du sorgho, un roman qui a ensuite été adapté au cinéma sous le titre Le Sorgho rouge par le célèbre réalisateur Zhang Yimou, qu’il a véritablement accédé à la notoriété internationale.
Mo Yan écrit sur la paysannerie, la vie rurale, et les luttes des gens pour leur survie et leur dignité, souvent dans un contexte où ces batailles sont perdues. Peter Englund, historien et membre de l’Académie suédoise, a déclaré que la base de ses livres réside dans les contes qu’il écoutait enfant. Bien que son œuvre soit souvent associée au réalisme magique, Englund précise que cette approche n’est pas empruntée à Gabriel García Márquez, mais qu’elle est intrinsèquement liée à l’univers de Mo Yan, un narrateur profondément original pour qui le surnaturel se fond dans l’ordinaire.
Howard Goldblatt, éminent professeur de littérature chinoise et traducteur de nombreuses œuvres de Mo Yan en anglais, a décrit son écriture comme étant “audacieuse et imagée, avec une puissante force morale”. Il a également établi un parallèle avec l’œuvre de William Vollmann, notamment dans Le Clan du sorgho, pour sa portée historique et sa critique incisive des comportements monstrueux des détenteurs du pouvoir, comme dans La Mélopée de l’ail.
À la Bibliothèque des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Montréal, une consultation des œuvres de Mo Yan, notamment Le Clan du sorgho, révèle un roman composé de cinq récits entrelacés, se déroulant sur plusieurs décennies du 20e siècle, abordant des thèmes tels que l’occupation japonaise et les dures conditions de vie des travailleurs agricoles. Mo Yan est l’auteur d’une œuvre prolifique, comptant environ 80 romans, essais, et nouvelles, parmi lesquels on trouve Grenouilles, Beaux seins, belles fesses, et Le Supplice du santal. Son œuvre dépeint l’histoire de la Chine en alliant humour paillard, violence, et imagerie gore, brossant un portrait unique de la Chine des années 1900 et dramatise habilement les défis auxquels est confrontée une société en mutation.
Mo Yan, dont le pseudonyme signifie littéralement “celui qui ne devrait pas parler”, a finalement prouvé le contraire, en étant reconnu par l’Académie suédoise comme une voix littéraire majeure. Bien que ses œuvres aient été publiées en France par des éditeurs tels que Caractères, Seuil, et Actes Sud, il est désormais mondialement connu, non seulement comme écrivain, mais aussi comme un artiste capable de capturer l’essence de la condition humaine. Sa victoire est une source d’inspiration pour tous ces écrivains qui, malgré leur silence apparent, peuvent à tout moment émerger et surprendre le monde. Car le monde aime les voix qui surgissent de l’ombre pour apporter une nouvelle lumière.
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