Cinq ans se sont écoulés depuis que le tremblement de terre dévastateur de janvier 2010 a ravagé Haïti, et pourtant, le pays semble toujours errer sans cap. Le premier ministre Laurent Lamothe a quitté ses fonctions, laissant la place à Evans Paul, ancien journaliste et figure éminente de la scène politique, en passe de le remplacer. Cet homme, présenté comme un citoyen au-dessus des clivages partisans, apparaît comme la dernière tentative du pouvoir pour apaiser une situation tendue, un pouvoir qui tente de désamorcer une crise alimentée par des élections législatives sans cesse repoussées.
Mais qu’en est-il vraiment des élections promises ? Ces scrutins, initialement prévus en 2013 pour renouveler un tiers du Sénat et assurer ainsi le bon fonctionnement du Parlement en 2014, n’ont jamais eu lieu. En Haïti, la politique est loin d’être une science exacte, et les manipulations incessantes laissent penser que le pouvoir en place joue un jeu dangereux en refusant d’organiser les élections attendues.
Sans élection, il n’y a pas de démocratie, et l’État ne fait que s’affaiblir davantage. Dans une démocratie bicéphale comme celle d’Haïti, le Parlement joue un rôle de régulateur indispensable face à l’exécutif. Le 12 janvier 2015, date symbolique coïncidant avec le cinquième anniversaire du séisme, marque également la fin du mandat du second tiers des sénateurs et le départ de la Chambre des députés. Sans Parlement, le président Martelly pourra gouverner par décret, ouvrant ainsi la voie à un potentiel séisme politique.
L’absence de Parlement risque de plonger le pays dans une crise majeure, rappelant les tumultes de 2004. Sans contre-pouvoir, Martelly pourrait régner en maître absolu, allant jusqu’à amender frauduleusement la Constitution de 1987 sans avoir à rendre de comptes à quiconque. Le souvenir de l’ancien dictateur Duvalier, proche de Martelly jusqu’à sa mort, plane comme une ombre menaçante sur cette situation. Martelly a même tenté d’honorer Duvalier par des funérailles nationales, un geste qui aurait certainement amusé le défunt s’il voyait aujourd’hui les facilités avec lesquelles une nouvelle dictature pourrait émerger.
Face à ce scénario inquiétant, l’opposition ne reste pas inactive. Des manifestations antigouvernementales se multiplient, réclamant la démission de Martelly pour éviter le pire. « Si le Parlement est caduc, Martelly devra partir aussi », avertit le président du Sénat, Dieuseul Simon Desras.
Élections différées, démocratie bafouée
L’incapacité du gouvernement à organiser les élections législatives met en lumière la faiblesse criante de l’État haïtien et l’incompétence flagrante de ceux qui le dirigent. Elle témoigne également d’une absence de vision politique, une carence déjà dénoncée par de nombreux observateurs dès le début du mandat de Martelly. Cette situation inquiétante annonce des jours sombres pour les citoyens haïtiens et devrait alerter la communauté internationale.
Les promesses électorales non tenues et les décisions politiques inadaptées qui se sont succédé sous l’actuel gouvernement révèlent une absence d’expertise criante. Le président, autrefois chanteur populaire, semble désormais perdu, tâtonnant sans direction claire. Les changements de premiers ministres à répétition et les remaniements ministériels fréquents sont autant de signes d’un échec gouvernemental patent. L’incapacité à élaborer ou mettre en œuvre un projet de développement durable en est la preuve la plus éclatante.
Compétence et pouvoir, un mariage impossible ?
Au final, la compétence semble être devenue une variable négligeable. Ce qui importe réellement, c’est de s’entourer d’hommes capables de suivre la danse politique, de s’intégrer rapidement aux jeux de pouvoir, et d’oublier ensuite le « petit peuple ». Ceux qui détiennent les compétences nécessaires pour redresser la situation tardent à se faire entendre, tandis que les politiciens manœuvriers, sans scrupules, continuent de diriger le pays.
La patience des Haïtiens est à bout. Depuis trop longtemps, les hommes qu’il faudrait à la tête de l’État ne sont jamais ceux qui y accèdent. Haïti, riche en ressources humaines et naturelles, ne manque que de politiciens ayant une réelle vision et un souci sincère du peuple. Les Haïtiens, sans aucun doute, méritent mieux.
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