Lundi matin, un triste spectacle a envahi les réseaux sociaux. Les partisans de Donald Trump, avec l’audace qu’on leur connaît, ont commencé à inonder la toile d’images générées par l’intelligence artificielle, dépeignant leur candidat comme un sauveur. Mais cette fois-ci, il ne s’agissait pas de protéger le rêve américain ou de défendre les valeurs chrétiennes – ces habituelles rengaines pour galvaniser leur base. Non, cette fois, Trump était présenté en héros… des canards et des chats.
Absurde, n’est-ce pas ?
Mais ne riez pas trop vite. Cette campagne toxique, lancée principalement sur X, l’ex-Twitter, n’est pas simplement un feu de paille dans le brouhaha médiatique. Elle est orchestrée de main de maître par nul autre que l’influent milliardaire Elon Musk, lui-même propriétaire de la plateforme, avec la complicité d’autres barons républicains comme Ted Cruz, toujours prompt à flatter les pires instincts de la droite. Leur nouvelle cible : les Haïtiens vivant aux États-Unis, désormais accusés de voler et de manger des animaux domestiques. Une étiquette ridicule et sans fondement qui n’a d’autre but que de déshumaniser et de stigmatiser une communauté déjà vulnérable.
La fabrication du mensonge
Il faut dire que dans cette campagne d’enfumage, tout est bon pour détourner l’attention des véritables enjeux. Comme par hasard, c’est dans un contexte de compétition électorale intense que ces mensonges grotesques surgissent. Le message est limpide : faire des Haïtiens les nouveaux boucs émissaires de l’immigration illégale, tout comme Trump avait jadis diabolisé les Mexicains. Après tout, si cela a fonctionné une fois, pourquoi ne pas réutiliser cette stratégie ?
Les récentes accusations se sont concentrées sur Springfield, Ohio, où une publication Facebook virale prétendait qu’un résident local avait découvert que ses voisins haïtiens tentaient de manger son chat. Une fausse information, bien sûr. Mais cela n’a pas empêché les troupes du camp Trump, dont Elon Musk, de relayer cette absurdité. Une photo d’un homme noir portant une oie a même été utilisée pour renforcer l’illusion. Or, cet homme, photographié à Columbus il y a un mois, n’était ni Haïtien ni immigrant. Et la femme arrêtée pour avoir mangé un chat ? Elle n’a aucun lien avec Haïti. Une Américaine, tout simplement.
Cette offensive malfaisante a clairement pour but de s’attaquer à la vice-présidente Kamala Harris sur l’immigration. Un communiqué de presse de la campagne a relaté ces mensonges, amplifiés plus tôt dans la journée par le colistier de l’ancien président Donald J. Trump, JD Vance, qui a cherché à attiser la peur en déclarant : « cela arrivera dans votre ville ensuite ». M. Vance, en tant que sénateur de l’Ohio, a multiplié les attaques ces derniers mois contre la population haïtienne croissante de Springfield, un groupe dont les membres vivent et travaillent légalement aux États-Unis. Ce qui rend cette campagne de peur d’autant plus abjecte, c’est que les opportunités d’emploi à Springfield ont attiré des milliers d’Haïtiens depuis la pandémie. Ils y sont venus pour contribuer à l’économie locale et chercher des opportunités légitimes – un intérêt noble, loin de l’image de menace véhiculée par le camp Trump.
Mais pourquoi laisser la vérité gêner une bonne campagne de désinformation ?
Un héritage de mépris et de xénophobie
Ce qui est profondément révoltant dans cette situation, c’est la banalisation croissante de la xénophobie dans le discours public américain, surtout au sein du parti républicain. Ted Cruz, un homme lui-même issu d’une famille d’immigrants cubains, ne voit aucun problème à instrumentaliser les Haïtiens dans cette grotesque fable de l’immigration. Mais cette hypocrisie n’est pas nouvelle. On se souvient encore des propos de Trump qualifiant Haïti et d’autres nations africaines de « pays de merde ». Pourtant, ces mêmes Haïtiens qu’il dénigre ont joué un rôle crucial dans l’histoire des États-Unis. En 1779, lors de la bataille de Savannah pendant la guerre d’indépendance américaine, plusieurs centaines de soldats haïtiens, formant le “Bataillon des volontaires de Saint-Domingue”, se sont battus aux côtés des forces américaines contre les troupes britanniques. Ces hommes ont contribué à l’émergence de cette nation qui se prétend aujourd’hui le bastion de la liberté et de la démocratie. Cette contribution historique est systématiquement effacée du récit national, mais elle reste une preuve indéniable du lien entre Haïti et la quête américaine pour l’indépendance.
Au-delà de Savannah, la Révolution haïtienne elle-même, menée par des figures comme Toussaint Louverture et Jean Jacques Dessalines, a inspiré d’autres luttes pour l’indépendance à travers les Amériques, en particulier dans les Caraïbes et en Amérique latine. Haïti a non seulement contribué à affirmer la liberté sur son propre sol, mais a également soutenu d’autres révolutions en envoyant des troupes, des armes et du soutien logistique aux mouvements de libération en Amérique latine, notamment à Simón Bolívar. Ce rôle central d’Haïti dans la lutte contre le colonialisme et l’esclavage a laissé une empreinte durable sur les luttes d’émancipation de l’époque, un aspect souvent oublié dans les récits modernes.
Aujourd’hui, la contribution des Haïtiens aux États-Unis ne se limite pas à l’histoire. Ils sont des membres actifs de la société, présents dans tous les secteurs : médecins, infirmiers, enseignants, entrepreneurs. La diaspora haïtienne contribue à l’économie américaine de manière tangible, tout en renforçant les liens culturels et sociaux. Leur participation dans la construction de cet immense pays est une vérité que même les barons républicains ne peuvent nier.
Les relations entre Haïti et les États-Unis remontent à bien plus loin, à des moments où les deux nations ont collaboré pour renforcer leur indépendance et lutter contre des forces coloniales. Cette solidarité historique met en lumière l’hypocrisie flagrante des discours actuels. Les États-Unis ont, à plusieurs reprises, bénéficié de l’engagement d’Haïti sur la scène internationale, notamment lors de la lutte contre l’Allemagne pendant la Première Guerre mondiale et encore plus tôt lors de la guerre d’indépendance américaine. Il est donc d’autant plus choquant que certains dirigeants politiques actuels cherchent à utiliser la xénophobie contre une communauté qui a longtemps soutenu la cause américaine.
Aujourd’hui, leurs alliés semblent prêts à redoubler d’efforts pour diffuser cette haine, avec l’aide d’un Elon Musk qui semble plus que jamais décidé à imposer son influence dans la sphère politique. Pourtant, le père d’Elon Musk, Errol Musk, élu au conseil municipal de Pretoria en 1972, appartenait au parti progressiste anti-apartheid. Musk, pourtant un enfant de l’immigration sud-africaine, se pose en défenseur d’une Amérique blanche et pure, tout en menant ses affaires à coups de contrats fédéraux et d’avantages fiscaux. Il est fascinant de voir à quel point les self-made men milliardaires oublient rapidement ses origines pour mieux jouer la carte du nationalisme étroit. Ce milliardaire, qui se présente comme un visionnaire de la liberté d’expression, semble n’avoir aucun problème à ce que sa plateforme devienne un terrain fertile pour la propagation de la haine et de la désinformation.
Un climat de haine et de danger
Il ne faut pas se voiler la face. Cette campagne de diffamation n’est pas seulement une question de tweets ridicules ou de mèmes malveillants. Elle menace directement la sécurité des Haïtiens vivant aux États-Unis. À chaque nouvelle vague de haine sur les réseaux sociaux, des vies sont mises en danger. La violence verbale devient rapidement physique. Les discours racistes de Trump et de ses alliés, alimentés par des figures comme Musk, légitiment des actes de violence contre les communautés marginalisées.
Ces campagnes de désinformation aggravent un climat de xénophobie déjà alarmant. Elles ont des conséquences bien réelles, non seulement pour les Haïtiens, mais pour toutes les communautés immigrantes aux États-Unis. La diffusion de mensonges et d’images manipulées sur les réseaux sociaux contribue à la montée des crimes de haine, en particulier contre les minorités. Ces crimes, souvent déclenchés par des discours incendiaires, alimentent une spirale de peur et de violence, mettant en péril la cohésion sociale. Les immigrants, déjà vulnérables, se retrouvent au centre de ce tourbillon de haine, subissant une double peine : la peur pour leur sécurité physique et l’angoisse de voir leur réputation ternie par des calomnies.
Il est temps de rétablir la vérité. Les Haïtiens ne sont ni des criminels ni des parasites. Ils ne sont pas ceux qui « mangent » des animaux domestiques ou qui menacent la sécurité du pays. Ce sont des personnes qui, comme n’importe quel citoyen, cherchent à vivre une vie digne et à contribuer à la société.
Quant à Musk, Cruz et Trump, ainsi que leurs alliés, il est grand temps qu’ils soient tenus responsables des dommages qu’ils causent avec leurs discours incendiaires et leur rhétorique raciste. Ces hommes ne sont pas les sauveurs qu’ils prétendent être. Ce ne sont que des opportunistes cyniques, prêts à exploiter la peur et la haine pour gagner des votes, même au prix de la cohésion sociale et du respect humain.
Les plateformes comme X jouent également un rôle majeur dans la diffusion de ces discours toxiques. Le fait que des mensonges de cette envergure puissent se répandre si rapidement et sans vérification montre à quel point les réseaux sociaux manquent de régulation. Si Musk se présente comme un champion de la liberté d’expression, il est temps qu’il prenne également des responsabilités envers la vérité et la dignité humaine. Sans cela, les plateformes deviendront des armes de division, plutôt que des lieux de dialogue.
Résistance et fierté
Face à cette campagne d’ennui, il est essentiel que les Haïtiens se tiennent debout. L’histoire de cette communauté aux États-Unis est celle d’une résilience remarquable. Des vagues d’immigrants haïtiens ont contribué à la richesse culturelle et économique du pays, et ils continuent de le faire malgré les obstacles.
Ces accusations infondées ne reflètent en rien la réalité de qui sont les Haïtiens. Ce sont des citoyens, des travailleurs, des parents, des enfants qui aspirent à la même chose que tout être humain : une vie de dignité et de respect.
En dépit des tentatives de Trump et de ses sbires pour les déshumaniser, les Haïtiens doivent savoir que leur valeur ne se mesure pas aux mensonges colportés sur les réseaux sociaux. Ils ne sont ni des voleurs de canards ni des mangeurs de chats. Ils sont des êtres humains, avec des rêves, des espoirs et des contributions tangibles à cette société. Il est important de rappeler qu’Haïti, première république noire au monde, a joué un rôle déterminant dans la lutte contre l’esclavage et l’impérialisme. Son peuple, qui a gagné sa liberté par le sang et la sueur, continue de se battre pour la dignité et le respect sur la scène internationale.
L’ironie d’un “sauveur” autoproclamé
Quant au camp Trump, il est plutôt cocasse de les voir jouer les défenseurs des animaux tout en tournant le dos aux humains. Sauver des canards, vraiment ? Peut-être que cela suffit à leurs partisans, mais qu’en est-il des citoyens avec un cerveau, capables de raisonner ? Trump et Musk préfèrent protéger des bêtes à plumes plutôt que de traiter les vrais problèmes sociaux et économiques qui affectent les Américains.
La campagne de diffamation à l’encontre des Haïtiens aux États-Unis est bien plus qu’une simple distraction électorale. Elle reflète une tendance dangereuse à l’aliénation et à la marginalisation des immigrants. Si le camp Trump pense qu’il peut gagner des votes en jouant sur les peurs irrationnelles et en désignant de nouveaux boucs émissaires, il se trompe lourdement. Les Haïtiens, comme tous les autres citoyens, ne se laisseront pas faire.
Cette campagne menée par Elon Musk et le camp républicain n’est qu’une diversion malfaisante, un écran de fumée pour détourner l’attention des véritables enjeux. Les Haïtiens ne sont pas des criminels, encore moins des voleurs de canards ou de chats. Il est temps de mettre un terme à ces mensonges et de rétablir la vérité.
Les Haïtiens aux États-Unis doivent rester confiants et solidaires face à ces attaques. Leur dignité et leur valeur humaine ne sont pas définies par les calomnies qui circulent sur les réseaux sociaux, mais par leurs actions, leurs contributions et leur résilience.
L’histoire a montré que ce sont les bâtisseurs de ponts, et non les fauteurs de divisions, qui façonnent les nations. Et l’Amérique, tout comme Haïti, s’est construite sur la résilience, la solidarité et l’aspiration à la liberté. Ce n’est qu’en rejetant les discours de haine que l’on pourra espérer un avenir meilleur pour tous.
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