En 2001, Jim O’Neill, économiste chez Goldman Sachs, a introduit l’acronyme BRIC pour désigner quatre des principales économies émergentes du monde : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine. Ces pays, en raison de leur potentiel de croissance impressionnant, étaient perçus comme les futurs piliers de l’économie mondiale. O’Neill prévoyait qu’ils joueraient un rôle majeur sur la scène internationale, mais même lui n’aurait peut-être pas anticipé la détermination avec laquelle ils chercheraient à redéfinir les dynamiques de pouvoir globales.
En 2011, l’Afrique du Sud a rejoint ce groupement, transformant ainsi l’acronyme en BRICS. Ce n’était pas seulement un ajout alphabétique, mais plutôt une extension de la vision d’un monde où la dynamique ne serait plus dominée par l’Occident.
Les BRICS, plus qu’une simple coalition d’économies en croissance rapide, sont devenus une force politique et économique. Ils cherchent à établir un nouvel ordre mondial, moins dépendant de l’hégémonie occidentale et plus représentatif des intérêts des pays en développement. La récente expansion, avec l’annonce de l’intégration de six nouveaux pays, renforce cette notion et souligne la volonté du groupe de remodeler les structures de pouvoir existantes.
Le désir d’une alternative à la domination occidentale
L’adhésion récente de pays tels que l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Argentine, les Émirats arabes unis et l’Éthiopie au sein des BRICS manifeste une volonté marquée des nations en développement de s’affranchir de l’empreinte occidentale. Leurs motivations et contextes peuvent varier substantiellement, mais une aspiration commune les unit : l’émancipation du paradigme occidental.
Les analyses de Steve Tsang, éminent spécialiste de la Chine, mettent en lumière une vision intriguante : une aspiration à un système international alternatif où les régimes autocratiques pourraient s’épanouir à l’abri de l’influence et des pressions des puissances occidentales. C’est un système qui pourrait proposer aux pays une voie de développement différente, exempte des contraintes et de l’influence des démocraties occidentales.
Dans ce contexte, l’appétit pour un équilibre mondial nouveau et diversifié devient un écho fort de la volonté de réformation et d’innovation sur la scène internationale. Cela symbolise une quête collective pour un monde où les dynamiques de pouvoir seraient plus équilibrées, les perspectives plus diversifiées, et où l’autodétermination serait à la portée de tous, au-delà de l’ombrage traditionnel des démocraties occidentales.
La Chine et la Russie : les architectes de ce nouvel ordre ?
L’essor des BRICS s’affirme indéniablement comme un triomphe pour la Chine et la Russie. La Chine, en dépit des restrictions commerciales récentes, persiste dans sa détermination à ériger un ordre mondial axé autour de Pékin. Quant à la Russie, elle voit dans cette coalition une chance malgré l’isolement que lui impose l’Occident, conséquence de son intrusion en Ukraine.
La militarisation récente du dollar par les États-Unis, au moyen de sanctions, met en exergue le besoin impérieux d’un système financier substitutif. Les débats autour d’une “dédollarisation” et l’instauration d’une devise BRICS s’insèrent parfaitement dans ce cadre. Bien que la suprématie du dollar semble inébranlable pour l’instant, ce projet audacieux des BRICS a le potentiel d’imprimer des changements irréversibles sur la scène financière mondiale.
Cette remodélisation du système financier international par les BRICS renvoie à une aspiration plus profonde de reconfiguration de la gouvernance mondiale. C’est une quête de rupture avec un ordre mondial dominé par l’Occident et un désir d’établir un paradigme dans lequel des modèles divergents de développement et de gouvernance peuvent coexister et prospérer.
Dans ce contexte, la Chine et la Russie semblent jouer un rôle prépondérant, façonnant activement ce nouvel ordre tout en contestant les structures et les normes établies par l’Occident. Leur influence au sein des BRICS pourrait bien être le catalyseur d’un rééquilibrage des forces mondiales, modifiant ainsi les contours de la diplomatie, du commerce et de la sécurité internationale.
Le G7 face à un réalignement mondial
L’expansion et le renforcement des BRICS marquent un point de bascule, reflétant une redistribution du pouvoir mondial qui pourrait redéfinir les dynamiques internationales. Ce regroupement hétérogène de nations, qui s’efforce de dépeindre une alternative à l’hégémonie occidentale, détient désormais une portion significative de l’influence économique et démographique mondiale, particulièrement avec l’inclusion de pays producteurs de pétrole essentiels.
Le G7, symbole des démocraties industrialisées, doit impérativement recalibrer ses stratégies et perspectives face à ce réalignement. Les BRICS, mus par un désir d’autonomie et par une aspiration à rééquilibrer les forces, sculptent progressivement une nouvelle géographie du pouvoir, mettant au défi les paradigmes établis.
Dans cette ère de multipolarité, où les frontières de l’influence et de la puissance sont en constante évolution, l’Occident doit s’adapter s’il souhaite maintenir sa pertinence et son leadership. L’enjeu est de savoir si les nations du G7 pourront transcender leurs divergences et réévaluer leurs politiques pour accommoder ce monde en mutation.
Le 21ème siècle pourrait être le théâtre d’une lutte silencieuse mais déterminante entre les piliers traditionnels de l’ordre mondial et ces nations émergentes qui cherchent à réécrire les règles du jeu international. L’interrogation persistante demeure : comment les démocraties occidentales vont-elles répondre à ce défi ? Vont-elles reconnaître et accueillir ces nouvelles dynamiques ou vont-elles résister, risquant ainsi l’obsolescence dans un monde qui évolue rapidement ?
Cette transition mondiale ne manquera pas de susciter réflexions et débats profonds sur la nature du pouvoir, de l’influence et sur la capacité des nations à collaborer dans un paysage international de plus en plus diversifié et complexe. En fin de compte, les évolutions actuelles invitent à une méditation profonde sur l’avenir de la gouvernance mondiale et sur les formes que pourraient prendre les collaborations futures entre nations anciennes et nouvelles. Les actions et décisions prises aujourd’hui détermineront sans doute les contours de notre monde demain.
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