Si les virtuoses du cinéma Quentin Tarantino et Wes Anderson décidaient de conjuguer leurs talents créatifs pour confectionner une œuvre cinématographique, il est certain que même leur collaboration prodigieuse ne saurait rivaliser avec le script extraordinairement rocambolesque que nous offre la réalité haïtienne actuelle, affectueusement rebaptisée par votre serviteur : “Haïtiwood”.
Entamons notre récit avec un protagoniste de taille, un président, Jovenel Moïse, que nous éliminons froidement au sein même de sa résidence. Pour ponctuer ce drame d’une note d’absurdité grotesque, veillons à ce qu’il n’y ait aucune forme de résistance de la part de ses gardiens, comme s’ils avaient tous choisi ce moment fatidique pour une pause-café simultanée.
Puis, faisons notre entrée en scène avec Ariel Henry, un Premier Ministre, désigné par le regretté président. Ajoutons-y une nuance épicée en révélant qu’il n’a jamais été officiellement investi dans ses fonctions, mais qu’il “gère” néanmoins le pays (si l’on peut qualifier cela de gestion) depuis deux ans sans le moindre mandat légal. Voilà un rebondissement qui laisserait même M. Night Shyamalan pantois.
Mais ne vous y méprenez pas, le récit s’intensifie. Faisons en sorte que la nation soit dépourvue de toute figure présidentielle, sénatoriale, législative, ou même parlementaire. Imaginez une pièce de théâtre sans décor, acteurs, scénario, ou même spectateurs. C’est là une représentation exacte de la situation en Haïti à ce jour.
Comme toute bonne production, notre film requiert une trame secondaire digne de ce nom. Introduisons ainsi des gangs, qui non contents de s’étendre, se livrent également à des jeux sadiques, chassant les habitants de leurs demeures, pillant, kidnappant, et érigeant des bûchers avec les habitations comme combustible. Et pendant que cette folie fait rage, que fait le gouvernement, me demandez-vous ? Eh bien, il s’adonne à la fête, évidemment.
Un récit qui, bien que digne d’un film d’action hollywoodien, se déroule malheureusement dans le monde réel, illustrant ainsi les abîmes de l’absurdité humaine dans ce théâtre de l’horreur qu’est devenu “Haïtiwood”.
Ah, et pour accentuer l’absurdité, introduisons Emmelie Prophète Milcé, une romancière qui troque sa plume pour le marteau de la Justice en tant que ministre de la Justice et de la Sécurité publique. Elle, qui avoue sans détour l’existence de ”territoires perdues” aux mains des gangs, mais qui, curieusement, est tout à fait disposée à encaisser son salaire malgré ses aveux d’incapacité. C’est comme si J.K. Rowling était soudainement propulsée à la tête de Scotland Yard. Même si Emmelie Prophète Milcé a écrit sur la brutale réalité des gangs, elle semble parfois confondre la réalité avec les pages de ses livres.
La situation semble dramatique, n’est-ce pas ? Mais tenez-vous bien, car le rebondissement du siècle s’annonce : il existe un journaliste influent et ancien candidat à la présidence qui prône que les gangs, malgré leurs atrocités, possèdent également leurs avantages. Et pour cause ? Ils offrent des opportunités d’emploi aux jeunes, à hauteur de 15000 gourdes (équivalant à 112$ US) hebdomadaires. C’est comme affirmer que Voldemort, en fin de compte, n’était pas si mal, étant donné qu’il fournissait des emplois aux Mangemorts.
Et pour ajouter un zeste de drame à notre trame déjà surchargée, imaginez des fidèles d’église, armés de machettes, se levant contre le joug des gangs, seulement pour être tragiquement abattus. Mais ce n’est pas tout : le gouvernement, dans une pirouette kafkaïenne, décide de fermer l’église. Car bien sûr, pas d’église, pas de manifestations. C’est aussi logique que d’affirmer qu’en ne vérifiant pas votre balance, vous ne prendrez pas de poids.
En résumé, “Haïtiwood” s’apparente à un scénario si surréaliste qu’il défie la fiction, bien qu’il soit tristement ancré dans la réalité. Un mélodrame où les acteurs semblent avancer à tâtons, privés de script. Nous, spectateurs, sommes suspendus dans l’attente d’une évolution positive, d’un leadership sincère et d’une conclusion apaisante à ce drame.
Dans l’effervescence tumultueuse qu’est “Haïtiwood”, une chose demeure claire : le leadership n’est pas une simple désignation, mais une responsabilité profonde envers chaque citoyen qui fait confiance à ceux au pouvoir. Cette saga, bien que digne des scripts les plus intriguants d’Hollywood, rappelle la nécessité urgente de reconsidérer notre conception du leadership et de l’intégrité. Haïti ne devrait pas être le théâtre d’un drame interminable, mais le lieu où l’espoir renaît, où la justice prévaut et où chaque acteur joue son rôle pour le bien commun. En fin de compte, ne sommes-nous pas tous des scénaristes, dotés du pouvoir d’écrire un chapitre meilleur pour notre nation ? Prenons nos stylos, car le prochain acte dépend de nous.
PS : Que les choses soient claires : notre satire n’est pas dirigée contre la tragédie elle-même, mais contre l’incompétence évidente de ceux à la barre. Haïti aspire à mieux. Elle mérite un dénouement joyeux. Mais pour y parvenir, un changement de metteur en scène et d’équipe est impératif.
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