En ce premier janvier 2025, nous revisitons un extrait du message de vœux intitulé « La belle amour humaine » de Jacques Stephen Alexis, adressé à l’être Humain, son ami. Ce texte débute par les célèbres mots : « Heureuse année à mon ami l’Homme ! ». Initialement publié en janvier 1957 dans Les Lettres françaises, il a été repris dans un numéro spécial de la revue mensuelle Europe consacré à “Jacques Stephen Alexis et la littérature d’Haïti”, en janvier 1971.
Un message intemporel
En ce premier jour de l’année, il paraît presque instinctif de chercher dans les écrits du passé des paroles capables d’éclairer notre présent. Parmi ces voix intemporelles se trouve celle de Jacques Stephen Alexis, grand écrivain haïtien et visionnaire, qui, en janvier 1957, a offert au monde un message de vœux empreint d’humanisme et de générosité.
Ce texte, intitulé « La belle amour humaine », débute par une phrase aussi simple que puissante : « Heureuse année à mon ami l’Homme ! », une salutation qui résonne encore aujourd’hui comme une invitation à la réflexion et à la fraternité universelle.
Ces mots, d’une générosité sans égale, s’adressaient à l’être humain dans toute sa complexité, ses luttes, ses espoirs et ses trébuchements. Ils portaient la promesse d’une humanité possible, un humanisme actif et inclusif, même au cœur des tourments.
Aujourd’hui, alors que nous inaugurons 2025, revisiter cet extrait est une invitation à réfléchir sur ce que signifie véritablement souhaiter une « heureuse année ». Dans un monde où les fractures semblent s’élargir, où les idéaux paraissent parfois si loin, Alexis nous rappelle que ces vœux ne sont pas de simples formules. Ils sont un engagement, une adresse à l’autre, à l’ami qu’est l’Homme, cet être faillible mais plein de potentialités.
Heureuse année à ceux qui se cherchent…
Il est difficile d’échapper à la profondeur de cette phrase :
« Heureuse année aussi à ceux qui se cherchent et ne se trouvent pas encore. »
Alexis embrasse ici une vérité universelle : la quête de soi. Que vous soyez dans une salle de gym à tenter de tenir vos résolutions ou dans un moment de doute existentiel face à la direction de votre vie, ces mots vous parlent.
En 2025, la quête identitaire est devenue un paysage fractal où chacun tente de définir qui il est, souvent à travers des échos numériques ou des idéaux déformés. Pourtant, Alexis nous invite à la patience envers nous-mêmes et envers les autres. Se chercher est un acte d’espoir, même lorsqu’il semble vain.
…et à ceux qui ont trébuché
Les trébuchements de l’existence, petits ou grands, sont universels. Alexis les reconnaît avec une grâce désarmante :
« Heureuse année aussi à ceux qui ont trébuché dans le chemin difficile. »
En 1957, ces mots parlaient à une génération marquée par des guerres mondiales et des luttes d’indépendance. En 2025, ils parlent aux déçus des promesses de progrès, aux laissés-pour-compte de la société, à ceux dont les résolutions de l’année passée sont restées inachevées.
Mais que faire de ces trébuchements ? En sourire, peut-être. Car trébucher, c’est aussi avancer. Il y a là une leçon d’humour et d’humilité : chaque chute est une chance de se relever, avec la maladresse d’un débutant ou la sagesse d’un survivant.
À ceux qui ne croient plus en rien
Que dire à ceux qui ont perdu foi, non seulement en Dieu ou en une quelconque transcendance, mais en eux-mêmes ? Alexis, avec une bienveillance désarmante, leur adresse aussi ses vœux :
« Heureuse année quand même à ceux qui ne croient à rien, même pas à eux-mêmes. »
Ici, l’humour se teinte de mélancolie, mais aussi d’une subtile provocation. Peut-être, après tout, faut-il n’avoir foi en rien pour redécouvrir ce qui compte réellement. À ces âmes désabusées, 2025 offre une promesse : celle de petits miracles quotidiens, parfois imperceptibles, mais qui rappellent que la vie mérite d’être vécue, même sans mode d’emploi.
L’appel aux compagnons du spirituel
Alexis ne s’arrête pas là. Il parle aussi à ceux qui luttent et espèrent, à ceux qui portent dans leur cœur une flamme, même vacillante.
« Heureuse année à tous mes frères, mes amis, à tous mes compagnons du spirituel… »
Ces compagnons du spirituel sont partout : dans les rues animées de Port-au-Prince, dans les cafés de Paris, dans les bus bondés d’Ottawa, dans les villages reculés d’Afrique ou d’Asie.
Ce sont eux, nous dit Alexis, qui rebâtissent le cœur humain. Ce sont eux qui cherchent, au milieu du chaos, la joie, la paix du cœur, et le sentiment du devoir accompli. En ce début d’année, peut-être est-ce là notre véritable résolution : devenir ces compagnons du spirituel. Non pas par perfection, mais par solidarité.
Un humanisme à réinventer
Alexis, dans son message, pose une question qui reste d’actualité : qu’est-ce que l’humanisme ? En 1957, il dénonçait encore les relégations de sa race dans « les communs de la Maison Humaine ». Aujourd’hui, alors que des frontières s’élèvent et que les identités s’opposent, la question de l’humanisme reste brûlante.
Son humanisme n’est pas une abstraction. C’est un acte, une lutte, une construction. Il refuse le rejet ou le reniement. Il embrasse la complexité des origines, des cultures, des blessures et des rêves.
« Je suis le produit de plusieurs races et de plusieurs civilisations », écrit-il.
En 2025, ces mots résonnent comme un rappel que nous sommes tous des carrefours, des ponts, des mosaïques.
Un message pour 2025
Alors, que retenir de ce message d’Alexis en ce début d’année ? Peut-être ceci : que souhaiter une heureuse année n’est pas une formalité. C’est un acte d’espoir et de foi en l’humanité. C’est reconnaître que nous sommes tous liés, dans nos failles comme dans nos forces.
Avec une touche d’humour, il serait tentant d’ajouter qu’Alexis, s’il écrivait aujourd’hui, aurait peut-être inclus un vœu pour les algorithmes bienveillants et les réseaux sociaux plus humains. Mais au fond, son appel reste le même : retrouver, dans nos différences et nos errances, la possibilité d’une fraternité universelle.
Heureuse année, donc, à l’ami que nous sommes. Heureuse année à ceux qui trébuchent, à ceux qui doutent, à ceux qui rêvent encore. Et surtout, heureuse année à ceux qui choisissent, malgré tout, d’aimer.
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