Port-au-Prince suffoqué sous la peur, Medellín hier encore synonyme de terreur et aujourd’hui modèle de renaissance… L’histoire a prouvé que même les pires époques finissent par s’effondrer. Les dictatures tombent, les gangs s’éteignent, les systèmes corrompus s’écroulent sous leur propre poids. Alors, un jour, pourra-t-on dire de cette période sombre : “C’est fini, cette époque” ?
Il fut un temps où Medellín était un véritable enfer. Le nom de cette ville colombienne évoquait immédiatement les règlements de comptes sanglants, la terreur imposée par les cartels et la figure tentaculaire d’un certain Pablo Escobar, qui régnait sur la ville comme un monarque sans couronne. Chaque rue portait l’empreinte de la violence, chaque quartier était marqué par des affrontements meurtriers. À cette époque, poser le pied à Medellín relevait d’un pari insensé, une inconscience qui pouvait coûter la vie.
Medellín fut, à une époque, la ville la plus dangereuse du monde, un territoire rongé par la corruption et la peur. Pourtant, trois décennies après la mort de son baron de la drogue, cette ville autrefois minée par le crime s’est métamorphosée. Aujourd’hui, elle rayonne comme un modèle de transformation urbaine, un symbole de résilience et de renouveau. Ses quartiers, autrefois gangrénés par la violence, accueillent désormais des touristes émerveillés par son dynamisme, ses infrastructures modernes et son climat social apaisé. Medellín est devenue une destination prisée, un joyau touristique où l’ombre des cartels semble appartenir à une époque révolue.
Alors, en regardant Port-au-Prince sombrer chaque jour un peu plus sous l’emprise des gangs, en voyant les rues s’emplir de peur et d’incertitude, une question s’impose : et si, un jour, nous pouvions dire aussi de cette époque qu’elle est finie ? Et si, comme Medellín, Port-au-Prince parvenait à renaître de ses cendres, à se libérer de ses chaînes, à transformer son chaos en espoir ?

L’histoire n’est jamais figée
Dans certaines rues de Port-au-Prince, il n’y a plus d’heure pour la peur. Elle est là, omniprésente, du lever du jour jusqu’à la nuit tombée, se glissant dans les conversations, dictant les itinéraires, définissant la vie. On ne va plus là-bas, on ne passe plus par ici, on ne s’attarde pas trop longtemps quelque part.
Tout le monde connaît quelqu’un qui a été kidnappé. On s’habitue aux rafales de tirs comme à un bruit de fond quotidien. On s’indigne, puis on s’adapte, parce que la survie l’exige. Mais cette époque ne peut pas durer éternellement.
Regardons Medellín. Elle aussi a connu ce cycle infernal, ce moment où l’État ne gouvernait plus rien, où la ville appartenait aux criminels. Puis, un jour, la bascule s’est faite.
Medellín n’a pas changé par miracle. Il a fallu une volonté politique, une société civile mobilisée, une pression internationale, des réformes profondes et du temps. Beaucoup de temps. Mais c’est arrivé.
Là où régnaient les narcos, il y a aujourd’hui des espaces culturels, des métros ultramodernes, des projets de réhabilitation urbaine. Là où les habitants vivaient terrés, il y a maintenant des rues animées, des cafés pleins et des touristes émerveillés.
On aurait pu dire à l’époque qu’il était impossible de s’extirper du chaos. Que la violence était trop ancrée. Que c’était fichu. Mais rien n’est jamais figé.
Si Medellín l’a fait, pourquoi pas Port-au-Prince ?

Politiciens, hommes d’affaires et bandits
Bien sûr, certains répondront que la Colombie et Haïti, ce n’est pas pareil. Que notre situation est plus complexe. Que les intérêts des puissants sont trop enracinés. Qu’il n’y a pas de volonté politique.
Et pourtant, combien de temps encore ces politiciens sans manman vont-ils pouvoir jouer avec le destin d’un peuple entier ? Combien de temps ces hommes d’affaires véreux vont-ils continuer à s’enrichir sur le chaos ? Et surtout, combien de temps encore ces bandits sans âme, capables de basculer un bébé dans le feu, vont-ils continuer à terroriser une nation ?
L’histoire a prouvé qu’aucune terreur n’est éternelle. Duvalier aussi avait fait trembler le pays. À l’époque, on murmurait plus qu’on ne parlait, on baissait les yeux, on évitait certains noms. Les disparitions, les exils forcés, la répression sans pitié… C’était une époque où le simple fait d’exister pouvait être un risque. Et pourtant, un jour, une génération consciente s’est levée et a dit “À bas la dictature.”
Les régimes de terreur croient souvent être invincibles, mais ils finissent tous par tomber. Même l’herbe la plus envahissante finit par être arrachée. Comme il est écrit dans le Psaume 92 : “Si les méchants croissent comme l’herbe, si tous ceux qui font le mal fleurissent, c’est pour être anéantis à jamais.”
Alors oui, aujourd’hui, les criminels font la loi. Mais croire que cela durera toujours, c’est oublier que l’histoire se répète : les pires systèmes finissent toujours par s’écrouler sous le poids de leur propre excès.
À un moment donné, la roue tourne. Parce que l’histoire a montré que même les pires époques finissent toujours par mourir.
Il viendra un jour où cette ville que l’on fuit sera une ville où l’on revient. Où les habitants ne vivront plus en otages. Où l’on redécouvrira ce Port-au-Prince lumineux, vibrant, insoumis, que l’on croit aujourd’hui perdu.
Ce jour-là, on pourra regarder en arrière et dire : “C’est fini, cette époque.”
Et peut-être qu’en marchant sur une place animée, en entendant le rire des enfants sans la peur d’une balle perdue, quelqu’un dira, sur un ton léger, presque anecdotique :
“Tu te souviens quand Port-au-Prince était invivable ?”
Alors, seulement alors, on saura que l’histoire a tourné.