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La corruption, cette hydre à multiples têtes, s’insinue dans les moindres recoins de nos sociétés, n’épargnant ni les nations les plus pauvres ni les plus puissantes. Selon l’Organisation des Nations Unies, elle érode les fondements mêmes des institutions démocratiques, retardant ainsi la croissance économique et semant les graines de l’instabilité gouvernementale. Ce fléau, souvent décrit comme le plus grand obstacle au progrès social et économique, cache derrière son apparence locale une réalité bien plus vaste et complexe. Chaque année, le 9 décembre, la Journée internationale de lutte contre la corruption résonne d’un appel global à l’action.

Le thème « Briser la chaîne de la corruption », mené par le Programme de développement des Nations Unies et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, invite la société civile mondiale à unir ses forces contre cette menace tentaculaire. Mais la véritable question est : comment démanteler un système dont les racines plongent si profondément dans l’ordre mondial établi ?

Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, et James Wolfensohn, ancien président de la Banque mondiale, apportent un éclairage essentiel dans leurs œuvres respectives. Ils dévoilent une vérité souvent occultée : les nations économiquement avancées, malgré leur image de modèles de transparence, jouent un rôle crucial dans la perpétuation de la corruption dans les pays dits « Tiers-Monde ».

Par le biais de leurs multinationales et Organismes non gouvernementaux, ces pays exportent des pratiques corrompues qui enchaînent les économies fragiles à un cycle sans fin de dépendance et de détournement des ressources locales. Derrière l’altruisme affiché se cache un réseau de connivences et de collusions qui exacerbe les inégalités et compromet le développement durable des nations émergentes. Cette réalité bouleverse notre compréhension habituelle de la corruption : ce n’est pas simplement un problème de gouvernance locale, mais bien une question de domination globale.

Les experts soulignent avec force que la corruption est avant tout un phénomène politique. Elle s’enracine dans les structures de pouvoir, où elle prospère en toute impunité. Cette dimension politique explique pourquoi les formes mineures de corruption, bien qu’omniprésentes, ne représentent que la surface d’un iceberg bien plus vaste et menaçant. Pour réellement briser la chaîne de la corruption, il est impératif de s’attaquer à ses aspects les plus profonds : ceux qui sont fonctionnalistes, structuralistes et systémiques.

Le rapport de l’Indice de corruption des pays exportateurs (ICPE) éclaire d’un jour nouveau ce phénomène en révélant que de nombreuses multinationales des pays industrialisés continuent de recourir aux pots-de-vin pour remporter des contrats à l’étranger. Cette pratique, loin d’être un simple incident isolé, est le reflet d’un système global où la corruption est non seulement tolérée, mais souvent institutionnalisée au service des intérêts économiques puissants.

La corrélation entre corruption et mauvaise gouvernance est tout aussi frappante. L’exemple du Québec, avec la Commission Charbonneau, offre un aperçu des efforts déployés pour dévoiler et combattre la corruption institutionnalisée. Cette commission, chargée d’enquêter sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, incarne une rare volonté politique de faire face à la réalité d’un système gangrené par la corruption.

Toutefois, cette initiative louable ne doit pas masquer le fait que des mécanismes de contrôle similaires sont souvent inexistants dans d’autres juridictions, laissant la corruption prospérer en toute discrétion. Il est crucial de reconnaître que l’absence de telles mesures ailleurs ne signifie pas l’absence de corruption, mais plutôt un manque de volonté politique pour l’affronter.

Par ailleurs, les firmes transnationales continuent de siphonner des milliards de dollars des pays pauvres et en développement, notamment par l’évasion fiscale et d’autres pratiques illicites. Ces flux financiers illicites, bien qu’insuffisamment documentés, aggravent la pauvreté et creusent encore davantage les inégalités mondiales. La corruption, dans ce contexte, ne se présente pas simplement comme une cause de pauvreté, mais comme une conséquence directe d’un système économique mondial profondément inégalitaire, où les richesses circulent de manière asymétrique, au détriment des populations les plus vulnérables.

La carte de l’Indice de perception de la corruption (CPI) de Transparency International, bien qu’elle offre une vision globale, ne suffit pas à elle seule pour saisir l’ampleur du problème. Les réalités locales ne peuvent être pleinement comprises sans tenir compte des dynamiques mondiales qui alimentent la corruption. Les principales causes de la pauvreté dans les pays du « Tiers-Monde » ne se trouvent pas uniquement dans les pratiques locales corrompues, mais dans une corruption systémique enracinée dans la gouvernance mondiale. Les partis politiques corrompus, les paradis fiscaux, et les réseaux financiers opaques sont autant de rouages d’un système qui perpétue l’injustice économique.

Le rapport annuel de Transparency International, publié le 2 décembre 2014, confirme cette sombre réalité : de nombreux pays en développement, malgré leur croissance économique, restent en proie à des niveaux élevés de corruption. Ce constat devrait nous inciter à repenser notre approche du problème. Si nous voulons sérieusement lutter contre la corruption, il est temps de porter notre regard là où il compte vraiment : sur les véritables sources de pouvoir et de richesse qui alimentent ce fléau. Il est impératif d’exiger une transparence totale non seulement des gouvernements locaux, mais aussi des institutions financières internationales, des multinationales, et des élites économiques.

La lutte contre la corruption ne peut se limiter à des initiatives ponctuelles ou à des dénonciations isolées. Elle nécessite une approche holistique, une volonté politique inébranlable et une transparence totale à tous les niveaux de la société. Ce n’est qu’en adoptant une telle approche que nous pourrons véritablement briser la chaîne de la corruption et construire un monde plus juste et équitable pour tous.

Classement Transparency International – 2014


  • 1. Danemark 92
  • 2. Nouvelle-Zélande 91
  • 3. Finlande 89
  • 4. Suède 87
  • 5. Norvège 86, ex-aequo avec la Suisse
  • 7. Singapour 84
  • 8. Pays-Bas 83
  • 9. Luxembourg 82
  • 10. Canada 81
  • 12. Allemagne 79
  • 14. Grande-Bretagne 78
  • 15. Japon 76
  • 17. Etats-Unis 74
  • 26. France 69
  • 64. Turquie 45
  • 69. Brésil 43
  • 85. Inde 38
  • 100. Chine 36
  • 136. Russie 27
  • 166. Erythrée 18, ex-aequo avec la Libye et l’Ouzbékistan
  • 169. Turkménistan 17
  • 170. Irak 16
  • 171. Soudan du Sud 15
  • 172. Afghanistan 12
  • 173. Soudan 11
  • 174. Corée du Nord 8, ex-aequo avec la Somalie

Méthodologie: le rapport de Transparency classe 175 pays sur une échelle de 0 à 100, du plus corrompu au plus vertueux. Pour établir son indice, Transparency rassemble des avis d’experts au sein d’organisations telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de Développement, la Fondation allemande Bertelsmann…

Auteur

Thélyson Orélien

Passionné par l'écriture, j'explore à travers ce blog divers sujets allant des chroniques et réflexions aux fictions et essais. Mon objectif est de partager des perspectives nouvelles, d'analyser des enjeux contemporains et de stimuler la pensée critique.
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