Le Québec, avec ses appels pressants à combler des pénuries dans des secteurs essentiels comme l’éducation, se présente souvent comme une terre d’accueil pour les travailleurs qualifiés du monde entier. L’image est séduisante: un territoire où votre compétence serait non seulement reconnue, mais aussi valorisée. Mais derrière cette façade accueillante, se cache parfois une réalité bien plus complexe et déconcertante, marquée par une bureaucratie rigide qui peut transformer ce rêve en véritable cauchemar. Une histoire, racontée dans le prestigieux journal La Presse par le chroniqueur Vincent Brousseau-Pouliot dans la chronique intitulée ‘Pas assez qualifié malgré 28 ans d’enseignement ?‘, illustre parfaitement ce dilemme.
L’histoire de Pascal Mesthi, un enseignant libanais expérimenté qui a vu ses espoirs d’intégration professionnelle au Québec se heurter à un mur administratif, est un exemple frappant des défis auxquels peuvent être confrontés les travailleurs étrangers. Ce récit met en lumière les obstacles insoupçonnés qui se dressent sur le chemin de ceux qui espèrent contribuer à la société québécoise, mais qui se retrouvent pris au piège d’un système parfois déconnecté de la réalité des besoins.
Face à une bureaucratie inflexible
Pascal Mesthi, 51 ans, a consacré près de trois décennies de sa vie à l’enseignement du français au secondaire. Son parcours est impressionnant : 25 ans passés dans l’une des institutions les plus prestigieuses du Liban, le Collège des Sœurs des Saints-Cœurs à Ghazir, suivis de trois années au Lycée français du Koweït, un établissement affilié au système éducatif français. Avec une carrière aussi solide et des références plus que favorables, Pascal avait toutes les raisons de croire que son expertise serait la bienvenue au Québec, une province qui peine à combler ses besoins en enseignants qualifiés.
Lorsqu’il décide, pendant la pandémie, de s’installer au Canada avec sa famille pour leur offrir un avenir meilleur, Pascal choisit de passer par le programme d’immigration fédéral, plus rapide que celui du Québec. Sa femme et ses deux fils s’installent à Ottawa, tandis que lui reste à enseigner au Koweït pour subvenir aux besoins financiers de sa famille. La situation semblait idéale : le Québec, confronté à une pénurie aiguë d’enseignants, l’invite à postuler pour un poste d’enseignant. Pascal répond à cet appel, passe des entrevues avec la Fédération des centres de services scolaires et reçoit une proposition d’embauche en Abitibi. Il ne lui reste qu’à obtenir le permis probatoire nécessaire pour enseigner au Québec, une formalité en apparence.
C’est ici que la réalité frappe. Le ministère de l’Éducation du Québec, après examen de son dossier, refuse de lui accorder le permis d’enseigner, invoquant l’absence d’une formation spécifique en psychopédagogie. Cette formation, pourtant courante pour les enseignants au primaire, n’a jamais été exigée pour les enseignants du secondaire au Liban, où Pascal a suivi un parcours académique rigoureux en langue et littérature françaises, couronné par un doctorat de l’Université Libanaise en collaboration avec la Sorbonne à Paris. Malgré ses qualifications et son expérience, il est jugé « non qualifié » pour enseigner au Québec.
La réalité du terrain
L’histoire de Pascal Mesthi met en lumière une déconnexion inquiétante entre les règlements administratifs du Québec et la réalité des besoins sur le terrain. Alors que la province manque cruellement d’enseignants, au point où des personnes non qualifiées sont embauchées en urgence, un enseignant hautement qualifié se voit refuser un poste en raison d’une exigence administrative. Ce problème de bureaucratie pourrait bien être le symptôme d’un mal plus profond, touchant d’autres secteurs que l’éducation. Par exemple, les médecins formés à l’étranger pourraient également se heurter à des obstacles similaires, entravant ainsi leur capacité à contribuer dans un système de santé qui crie pourtant au secours, en raison d’une pénurie croissante de médecins. Ce paradoxe soulève des questions cruciales sur la flexibilité du système et sur la manière dont le Québec traite les professionnels étrangers.
Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a défendu cette politique en affirmant que la formation en psychopédagogie est nécessaire pour adapter l’expertise des enseignants étrangers aux réalités québécoises. Selon lui, cette formation n’est pas un obstacle, mais une opportunité. Pourtant, pour des professionnels comme Pascal Mesthi, cette exigence rigide représente un obstacle insurmontable. Avec deux enfants à l’université et une carrière déjà bien établie, il ne peut pas se permettre de passer une année supplémentaire à l’université pour suivre une formation qu’il considère redondante.
Ce qui est encore plus troublant, c’est que le ministère de l’Éducation propose comme alternative d’être engagé comme enseignant non qualifié, une option réservée aux situations exceptionnelles ou temporaires. Mais pour un professionnel de la trempe de Pascal Mesthi, cette solution est loin d’être satisfaisante. Elle met en évidence une réalité où les travailleurs étrangers sont parfois traités comme des solutions de secours, plutôt que comme des contributeurs essentiels au système.
Leçons à retenir pour les travailleurs étrangers
Si vous envisagez de faire carrière au Québec en tant que travailleur qualifié, l’histoire de Pascal Mesthi doit vous servir de mise en garde. Premièrement, il est crucial de bien comprendre les exigences spécifiques du Québec en matière de reconnaissance des diplômes et des qualifications. Même si vous êtes un expert dans votre domaine, le Québec peut avoir des critères qui diffèrent de ceux de votre pays d’origine ou même du reste du Canada. Cela peut impliquer de devoir suivre des cours supplémentaires ou de passer des évaluations spécifiques pour obtenir le droit de travailler dans votre domaine.
Ensuite, préparez-vous à affronter une bureaucratie qui peut parfois sembler hermétique et inflexible. Il est souvent nécessaire de naviguer à travers un labyrinthe administratif pour faire reconnaître vos compétences. Dans certains cas, il peut être utile de consulter un conseiller en immigration ou un expert en reconnaissance des acquis pour maximiser vos chances de succès et éviter les surprises désagréables.
Enfin, il est essentiel de gérer vos attentes. Même si le Québec a un besoin urgent de travailleurs qualifiés, le processus d’intégration professionnelle peut être plus long et plus complexe que prévu. La patience, la persévérance et une bonne dose de résilience seront indispensables pour surmonter les obstacles qui se présenteront sur votre chemin.
Un avenir incertain, mais toujours possible
Malgré les difficultés qu’il a rencontrées, Pascal Mesthi n’a pas totalement abandonné son rêve d’enseigner au Québec. Il espère que les règles évolueront pour devenir plus souples et plus en phase avec la réalité du marché du travail. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres travailleurs qualifiés, le Québec reste une terre d’opportunités, à condition que le système trouve un équilibre entre la nécessité de maintenir des standards élevés et celle d’être accueillant et inclusif envers les talents étrangers.
Pour ceux qui envisagent de suivre les traces de Pascal Mesthi, il est crucial de bien se préparer et de rester déterminé, même face à l’adversité. Le Québec a besoin de travailleurs qualifiés, mais il faut être prêt à naviguer dans les méandres d’un système qui, malgré ses appels à l’aide, peut parfois se montrer paradoxalement excluant. Avec une préparation adéquate et une attitude résiliente, il est possible de transformer ce rêve québécois en réalité.
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Merci pour ce tres bon article