Nulle part ailleurs qu’à Poste Marchand,
dans le bas de Saint-Antoine,
Le matin se pare de miroirs, sous la douce tutelle d’une dalle usée, imprégnée de charme et de liberté. Les arts, jadis méprisés, s’érigent aujourd’hui en promesse de rédemption. Pourquoi se lamenter alors que demain, les barrières s’évanouiront, laissant place à des adieux légers, tournant le dos à la mémoire, cette amnésie, ce cerf lancé dans les nuages de l’extase. Le rideau vert s’avance, flotte, danse déjà. Hélas, le vent, si doux, n’est pas là pour l’accompagner.
Tout n’est que ruine et lamentation dans cette triste cité. Une désolation profonde habite les âmes. Les enfants ont disparu, et hommes et femmes cherchent un abri sous quelques toits, après des journées d’angoisse et des nuits blanches. La population, malgré tout, conserve une fierté née du chaos. Presque une joie s’empare de cette ville à l’âme meurtrie.
Tout est ruine, tout est deuil. Les blessés enlacent les morts, victimes du destin, émergeant des décombres. De la croisée des chemins jusqu’au détour du Prince, la rue n’est bordée que d’ombres. La cathédrale, les maisons, débordent d’orgueil face aux passants fatigués par ces longues journées. Les balcons jaillissent comme des flèches spontanées. Rien ne demeure. Tout est ruine, tout est deuil. La ville démolie, écartelée, folle, Saint-Antoine cède soudain la place à des miséreux installés sous des tentes. L’humanisme, le cœur contrit, s’anéantit dans l’abysse.
Ainsi le temps passe déjà sous l’échelle.
Des verbes chantés, plantés, pansés, pressés, palpés, écrits. Le charbon des jours creux monte en spirale avec des rumeurs fluctuantes. Épars, décidés, un destin, une volonté tenace. Le désir s’évanouit selon nos actes dévoyés, à contrecourant des vérités, des obstacles et des ambitions, vers un orgueil concentré. De la mort d’un rêve, d’un rêve de mort, de survivances éphémères. Une histoire sans récits, de simples passés, des soulagements qui ébranlent un temps qui vacille ou s’éteint.
Le son d’un rêve endormi, une dernière sortie, au tout début du flux d’encre. Je m’agace de ne pas me perdre. On écrira la profondeur d’une muse confuse, éminente, précaire, tumultueuse et sonore. Le nord de la pensée plongé dans la boue, le bonheur sous forme de chloroforme. La profondeur en prose poétique, prophétique, qui bouleverse le sens.
D’ici, de là, de là-bas, être poète, être écrivain. Écrire la folie des êtres sur les marges de la vie. Des dépressions et déceptions, écrites dans la boue comme dans l’eau froide, pleines de peines. Illusion à l’envers d’une histoire salée. J’irai vers l’irréversibilité du temps, au gré de l’ordure, vers les palmiers et les buissons relâchés. Saint-Antoine, voici l’or qui n’est plus, diamant en cette soirée de meurtrissures ovales.
Alors, dans cet écho de tristesse et de grandeur, les mots s’élèvent.
Saint-Antoine, témoignage vivant de l’effondrement et de l’espoir, voit ses ruelles se transformer en théâtre d’ombres et de lumières. Mais dans ce désastre, l’humanité persiste, irréductible. Les poètes, les écrivains, les rêveurs s’emparent de ce chaos, le transmutent en or, en rêves, en histoires. Ils écrivent, ils crient, ils chantent. Car même dans la ruine, même dans le deuil, la vie s’obstine et l’art triomphe.
Sur les cendres de la désolation, l’esprit de résistance danse, indompté. Et nous, témoins de cette résilience, nous nous élevons aussi, portés par la puissance de ces mots, prêts à affronter l’aube nouvelle. Voilà la conclusion, un poing levé dans la nuit, un dernier vers pour rallumer les étoiles. Saint-Antoine, nous ne sommes pas vaincus : notre lumière perce l’obscurité, éternelle et audacieuse. Voilà le véritable or, notre diamant indomptable : l’esprit qui jamais ne s’éteint.
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