Chaque 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes rappelle les luttes passées, les victoires obtenues et les combats encore à mener. Mais au-delà des discours et des symboles, il reste des silences insupportables, des injustices normalisées. Quand une société ne réagit plus face à l’horreur, que vaut vraiment cette quête d’égalité?
Il y a des silences plus assourdissants que les cris. Des injustices si absurdes qu’elles glissent dans l’ombre de la banalité. Pourtant, chaque 8 mars, le monde s’arrête, un instant, pour dresser l’inventaire des victoires et des combats à mener pour l’égalité des femmes. Mais que vaut cette célébration si, dans certaines parties du monde, des femmes continuent de disparaître sans un bruit, si la violence leur est infligée dans une indifférence glaciale ?
Il y a quelques semaines, une histoire effroyable a secoué Haïti – ou plutôt, aurait dû le faire. Un bébé a été brûlé vif à Kenscoff. Un acte barbare, une scène d’un autre âge. Et pourtant, presque personne n’a réagi. Pas de marches enflammées, pas de tribunes indignées, pas d’écho dans les grandes discussions publiques. Un enfant est mort sous les flammes, et la vie a continué comme si de rien n’était.
Dans le cadre de cette Journée internationale des droits des femmes, comment ne pas s’arrêter sur le silence complice qui enveloppe encore trop souvent les violences faites aux femmes et aux enfants ? Ce 8 mars est une occasion de célébrer les progrès, mais aussi de hurler contre tout ce qui demeure inacceptable.
Quand le corps des femmes est un champ de bataille
Dans trop de régions du monde, le corps des femmes n’est pas un sanctuaire, mais un champ de bataille. On y inscrit des blessures, on y grave des peurs, on y dicte des lois qui ne sont pas les leurs. Depuis les petites humiliations quotidiennes jusqu’aux agressions les plus brutales, les femmes luttent pour exister, pour être respectées, pour ne pas être réduites au silence.
Haïti, mon pays d’origine, ne fait pas exception. Bien au contraire. Les femmes y sont à la fois les piliers et les premières victimes d’une société déchirée. Ce sont elles qui portent la résilience du peuple, qui font vivre les marchés, qui éduquent les enfants, qui tiennent la barque dans les pires tempêtes. Pourtant, elles sont aussi celles que l’on bâillonne, que l’on viole, que l’on assassine. Chaque jour.
À LIRE AUSSI :
Le meurtre du bébé de Kenscoff est un symbole de cette violence systémique. Car si un crime aussi abominable peut passer sous silence, que dire alors des innombrables femmes et jeunes filles agressées, battues, tuées dans un silence de plomb ? Si la mort d’un enfant innocent ne soulève aucune vague, que vaut la vie d’une femme dans cette société ?
Le courage des survivantes
L’indifférence est le pire des poisons. Elle permet aux violences de prospérer, aux bourreaux de sévir sans crainte, aux injustices de devenir des normes. Lutter pour les droits des femmes, ce n’est pas seulement revendiquer des lois plus justes ou des quotas dans les parlements.
C’est aussi et surtout refuser que l’horreur devienne une habitude. C’est briser le silence, c’est nommer les crimes, c’est exiger justice pour celles qui ne peuvent plus parler.
Si chaque femme victime de violence en Haïti – et ailleurs – recevait la même attention médiatique que les scandales politiques, que les crises financières ou que les matchs de football, peut-être que le monde commencerait à changer.
Peut-être que la société haïtienne, et bien d’autres, cesseraient de considérer la souffrance des femmes comme un bruit de fond, une fatalité.
Mais il y a aussi une autre vérité, une vérité plus forte que la douleur : celle du courage inébranlable des femmes. Malgré l’horreur, elles continuent d’aimer, de créer, d’élever, de se battre. Elles ne baissent pas les bras. Elles trouvent la force de dénoncer, de se reconstruire, d’avancer.
À travers le monde, elles mènent des batailles qui, hier encore, semblaient perdues d’avance. Elles brisent des tabous. Elles gagnent des droits qu’on leur refusait. Elles arrachent, une à une, les briques du mur du patriarcat. Elles bâtissent des lendemains plus justes.
Ce 8 mars est le leur. Il est à celles qui ne renoncent pas. À celles qui se lèvent contre l’inacceptable. À celles qui, au milieu du chaos, continuent de croire en la possibilité d’un monde meilleur.
Ce que nous devons aux futures générations
Nous avons une dette envers celles qui viendront après nous. Il ne suffit pas de dénoncer, d’être outrés une fois par an, puis d’oublier. La Journée internationale des droits des femmes ne doit pas être un rituel creux, mais un appel à l’action.
L’avenir appartient aux femmes qui refuseront d’être invisibles. À celles qui exigeront des comptes. À celles qui écriront l’histoire, non plus comme des victimes, mais comme des actrices majeures de la transformation du monde.
Un bébé a été brûlé vif à Kenscoff. Personne n’a réagi.
Mais aujourd’hui, nous devons faire entendre nos voix. Nous devons dire que nous ne tolérerons plus l’indifférence. Nous devons clamer, haut et fort, que la vie d’une femme, d’un enfant, d’un être humain, a une valeur infinie.
Ce 8 mars, que cette vérité soit gravée dans nos consciences. Pour que plus jamais, la mort d’un innocent ne soit accueillie par le silence. Pour que plus jamais, une femme ne soit réduite à l’invisibilité.
Pour que plus jamais, l’horreur ne devienne une habitude.
À LIRE AUSSI :
Ce 8 mars, la femme n’est pas seulement une cause à défendre, un combat à mener ou une statistique à améliorer. Elle est l’histoire elle-même, celle qui porte, nourrit, éclaire et transforme le monde. Elle est la voix que l’on tente de taire, mais qui renaît toujours plus forte. Elle est le feu qui réchauffe et non celui qui consume.
Alors, à celles qui luttent dans l’ombre, à celles dont les souffrances restent sans écho, à celles qui élèvent des générations entières sans reconnaissance, à celles qui osent, qui tombent, qui se relèvent et qui avancent malgré tout : ce jour est le vôtre. Mais plus encore, l’avenir vous appartient. Puissions-nous, enfin, bâtir un monde où chaque femme, chaque enfant, pourra grandir sans craindre d’être effacée par le silence ou consumée par l’oubli.
Et parce que l’égalité ne se construit pas en un seul jour ni par les femmes seules, ce 8 mars est aussi celui des hommes. De ceux qui refusent la complicité du silence, de ceux qui se tiennent aux côtés des femmes non par charité, mais par conviction. Car un monde plus juste pour les femmes est un monde plus humain pour tous.
Bon 8 mars aux femmes, mais aussi aux hommes qui marchent à leurs côtés !