Dans le panorama complexe qui englobe l’île d’Haïti (ou île d’Hispaniola), foyer de la République dominicaine et de la République d’Haïti, la récente discorde au bord de la rivière Massacre dévoile une continuité de mésententes, d’actes d’irrespect venant du côté dominicain, et d’une aspiration à la dominance. La réticence persistante à octroyer une justice et une équité justes au peuple haïtien marque une tendance qui semble sans fin.
Les autorités dominicaines ont émis une menace sérieuse envers les habitants de Ouanaminthe en Haïti, annonçant des répercussions graves si les travaux sur le canal de la rivière Massacre ne sont pas arrêtés. Cette initiative souligne davantage l’antihaitianisme qui est depuis longtemps ancré dans la politique dominicaine. Il est crucial d’examiner pourquoi cette posture de la République dominicaine est non seulement non justifiée, mais également extrêmement préjudiciable.
Il n’est pas rare que des citoyens haïtiens, même en possession de passeports et de visas valides, soient détenus pendant plusieurs heures par les forces de l’ordre dominicaines, une discrimination qu’ils attribuent à leur teint foncé. Cette situation concerne également des citoyens américains noirs qui sont confondus avec des Haïtiens.
L’histoire haïtienne est le témoignage de la bataille perpétuelle d’une nation pour sa liberté et sa dignité. L’initiative d’irrigation menée par les agriculteurs haïtiens est une avancée significative vers l’autonomie et la croissance économique. Bien que les dirigeants haïtiens soient souvent dépeints comme vulnérables et manipulables, ils semblent éprouver des difficultés à défendre énergiquement les droits de leur peuple. Cependant, la réaction disproportionnée et unilatérale des autorités dominicaines est sans justification valable.
Pour commencer, les menaces prononcées par le président ”ethno-nationaliste” de la République dominicaine, Luis Abinader, manquent manifestement de bases juridiques solides. Elles s’apparentent plus à une tentative d’intimidation visant à freiner les efforts légitimes des Haïtiens pour améliorer leur bien-être par des moyens auto-suffisants. Il est donc impératif que le gouvernement haïtien réagisse activement pour protéger les droits de ses citoyens, y compris en sensibilisant la communauté internationale à la gravité de la situation actuelle.
Les actions unilatérales initiées par les autorités dominicaines violent clairement les stipulations du Traité de paix, d’amitié et d’arbitrage qui lie la République dominicaine et Haïti, en particulier l’article 10. Celui-ci stipule clairement que les deux nations conviennent d’éviter toute construction susceptible de modifier le flux naturel des rivières ou d’affecter la quantité d’eau à leur source, tout en promouvant une utilisation judicieuse et équitable des ressources hydriques à des fins agricoles et industrielles. Les manœuvres récentes de la République dominicaine violent ces accords, érodant ainsi la crédibilité et la légitimité de leur position. Selon les rapports, la République dominicaine a déjà mis en place de nombreux canaux depuis la ratification du traité (plus d’une dizaine), tout en refusant aux Haïtiens le droit d’en construire ne serait-ce qu’un seul.
Le 27 mai 2021, les deux parties avaient conclu un accord, affirmant que le projet ne causerait pas de problèmes. Le canal ne constitue pas une déviation. Les délégations haïtienne et dominicaine ont convenu, conformément au Traité de Paix de 1929, que le projet en cours sur la Rivière Massacre ne constitue pas une déviation du cours d’eau, et ont convenu de créer une Table Technique pour gérer les bassins versants transfrontaliers de manière coordonnée, avec la possibilité de recourir à une assistance technique internationale si nécessaire.
De surcroît, les grands principes juridiques récents régissant l’utilisation et la gestion de la rivière Massacre en tant que cours d’eau international comprend plusieurs points essentiels. Tout d’abord, Haïti et la République dominicaine, bien qu’ils ne soient pas signataires de la Convention des Nations unies de 1997, doivent respecter ses principes généraux de droit. Ces principes comprennent l’utilisation équitable et raisonnable du cours d’eau, la prévention de tout dommage causé à l’autre État riverain, la coopération entre les États pour une gestion durable du cours d’eau, et le partage régulier d’informations pertinentes sur son état. Ces principes visent à garantir que les deux États bénéficient équitablement des avantages de la rivière tout en préservant sa ressource.
Dans le contexte actuel où nous nous trouvons, il est impératif de prendre un moment pour réfléchir profondément à la douloureuse et obscure histoire de la rivière Massacre. Lorsqu’on se plonge dans les annales de l’histoire, le chapitre tragique de 1937 surgit avec une force déconcertante, orchestré par le régime tyrannique du dictateur dominicain Rafael Leónidas Trujillo Molina. Cette période sombre de l’histoire a vu l’annihilation impitoyable de plus de 20 000 à 35 000 Haïtiens, mettant en lumière de manière poignante la profondeur des cruautés, de la xénophobie et du racisme ancrés dans l’histoire du pays. Ce terrible événement est un exemple retentissant des forces ultranationalistes qui ont, à plusieurs reprises, modifié la politique dominicaine envers les Haïtiens, laissant une cicatrice indélébile qui nous rappelle l’importance de défendre sans relâche les droits et la dignité du peuple haïtien dans le présent.
Entre le 2 et le 8 octobre 1937, les Haïtiens ont été atrocement assassinés par les forces dominicaines, des civils et des représentants des autorités locales dominicaines. Les instruments de leur mort étaient variés, allant des fusils aux machettes, en passant par des bâtons et des couteaux, marquant une page sanglante dans l’histoire de la région.
À ce jour, il est à noter que les Haïtiens n’ont pas réagi avec agressivité ou imprévisibilité. Leur combat, noble et juste, cherche à assurer un accès équitable et judicieux aux ressources naturelles cruciales disponibles, en insistant sur la construction d’au moins un canal pour permettre aux agriculteurs d’irriguer leurs terres. La République dominicaine a déjà établi plusieurs canaux de son côté de la rivière, créant une disparité qui met en lumière une violation flagrante du traité en vigueur. Face à cette transgression, il incombe à Haïti de mettre en place les mécanismes spécifiés dans l’accord pour protéger ses droits souverains.
Dans le sillage de ces événements, le président Abinader a évoqué la possibilité de fermer les frontières, une mesure qui aurait des conséquences dévastatrices qui vont bien au-delà des relations diplomatiques, affectant le quotidien des citoyens ordinaires. Il est essentiel de considérer les implications de cette démarche, étant donné que de nombreux Haïtiens ou résidents d’Haïti dépendent des infrastructures de transport dominicaines pour voyager, notamment vers des destinations internationales telles que les États-Unis et le Canada. Par ailleurs, cette fermeture entraverait considérablement les activités commerciales, provoquant la perte de denrées périssables destinées à être vendues ou exportées vers Haïti, impactant l’économie des deux nations.
Dans cette atmosphère tendue, Haïti est en droit de solliciter l’intervention de tierces parties neutres, telles que l’OEA et la CARICOM, ainsi que le Programme des Nations Unies pour le développement, afin d’encourager une médiation juste et non partiale. Ces organismes internationaux pourraient jouer un rôle pivot dans la facilitation d’un dialogue constructif, jetant les bases d’une solution pacifique et équitable à ce conflit croissant.
À cet égard, il est pertinent de rappeler l’importance du traité de 1929, qui sert de socle fondamental pour établir les protocoles d’utilisation et de gestion des ressources hydriques, facilitant ainsi les interactions pacifiques entre les deux nations. Les actions récentes de la République dominicaine, en violation apparente du traité, mettent en évidence une tendance à privilégier des initiatives unilatérales, négligeant les principes de collaboration et de respect mutuel qui devraient guider leurs relations.
Dans cette perspective, il est vital de reconnaître et d’honorer la mémoire de ceux qui ont péri lors du massacre du Persil (le couteau) de 1937, une époque qui témoigne de la brutalité et de l’injustice endurées par le peuple haïtien. Cette période noire, marquée par une violence et une oppression inimaginables, doit servir de catalyseur pour cultiver des relations plus harmonieuses et pacifiques dans la région.
Il est manifeste que les actions et menaces récentes des autorités dominicaines transgressent les principes fondamentaux de justice, d’égalité et de coopération mutuelle qui devraient être la pierre angulaire des relations entre les deux nations. Il est donc impératif que la communauté internationale prenne position, en encourageant et en facilitant une solution pacifique et équitable à ce différend, tout en veillant à préserver les droits et la dignité du peuple haïtien.
Face à la rivière Massacre, qui porte en elle les chuchotements des âmes perdues et les échos de l’injustice, nous sommes appelés à être des témoins vigilants de l’histoire, à ne pas permettre que les erreurs du passé soient reproduites dans le présent. Que cette rivière devienne un symbole de guérison et de réconciliation, et non un fossé qui sépare et déshumanise. Puisse ce moment servir de catalyseur pour une ère nouvelle, où la justice, l’empathie et la collaboration sont plus que des mots, mais la pierre de touche d’une coexistence harmonieuse et respectueuse.
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