Parler d’une catastrophe aussi dramatique et bouleversante que celle qui frappe le peuple haïtien, parler des morts, des blessés et des disparus, de toute cette misère n’est pas une affaire de style ni un concours pour décrocher la palme d’or du commentaire le plus émouvant. D’autant que ces déluges verbaux ne débouchent sur rien ne riment à rien sinon à satisfaire leurs auteurs. Écrire : Nous sommes tous des Haïtiens, après avoir écrit il y a cinq ans, au lendemain du tsunami : Nous sommes tous des Taïwanais ou des Sri-Lankais est un mensonge*
La terre a tremblé en ce mardi 12 janvier 2010. Il était quatre heures cinquante-trois minutes dans l’après-midi. Au moins une vingtaine de secondes pour que tout soit basculé, en voyant des gens mourir écrasés vifs par des bribes de béton. J’avais vu des plaies en liquéfaction, des taches sanglantes, coagulantes, en beau milieu de rues en gravats. Des ponts de bâtiments tordus et le palais présidentiel en fragments.
D’abord j’avais entendu des grondements, puis des effondrements. J’étais à l’intérieur de cette maison encore restée debout dans un coin de l’Avenue Poupelard, bas Saint-Antoine. Ce fut la destruction de Port-au-Prince. Une ville que j’ai appris à aimer au rythme trépidant des jours. Une ville belle à mes yeux, qui se tenait fièrement débout et magnifique. La première fois que j’ai entendu la terre crier sous mes pas, tel un coup de tonnerre venant de son ventre qui secoua violemment tout, et même les plantes. Quatre ans après, nous y sommes là, et nous ne cessons pas de trembler systématiquement dans le profil de notre existence en tant que peuple.
La mort ne prendra pas le nom d’Haïti, Haïti n’a plus besoin de larmes. Haïti n’est pas un pays pauvre. C’est plutôt le pays le plus appauvri des Amériques. Le plus appauvri. Oui ! Les gens avisés le savent. Au lendemain du douze janvier l’éditorialiste de Radio France Internationale (RFI) Alain Genestar qui connaît bien l’histoire d’Haïti a cité dans son éditorial intitulé Nous ne sommes pas tous des Haïtiens* :
« Dans quelques semaines ou mieux dans deux ou trois mois nous serons passés à autre chose, à une autre émotion, une histoire chassant l’autre. Il y aura même des prétendus experts en cause humanitaire, qui nous expliqueront à coup sûr, que finalement on en a beaucoup trop fait pour Haïti, qu’il y a trop d’argent et que de toute façon la corruption est telle, que les fonds sont détournés… comme si nous les riches nous étions des petits saints, comme si nous les riches nous n’avons pas exploité et sucé jusqu’à la moelle leur ressource et asservi tout au long de l’histoire leurs pères et leurs enfants.»
Et il continu :
« Compte tenu de tout ce que nous savons, de tout ce que nous avons fait, de tout le mal dont nous avons été autrefois les auteurs, puis plus tard les complices, ce n’est pas d’aide charitable, mais d’indemnité et de dédommagement. Non, nous ne sommes pas tous des Haïtiens; nous sommes des Français, des Espagnols, des Américains qui doivent rendre leurs dettes au peuple d’Haïti » fin de citation.
Il faut dire que le séisme n’a pas été la seule pire catastrophe qu’a connu Haïti durant ses longues années d’existence, depuis l’esclavage, pire crime contre l’humanité, les occupations dévastatrices et tant d’autres. Le poids de terribles drames le tiraille encore aux épaules. Quatre grandes années d’apparences trompeuses et de faux semblants dans un ciel bouillonnant déchiré de nuages.
La conjoncture haïtienne s’embrouille quotidiennement de la connivence des uns et de l’incompétence des autres. Les interminables troubles politiques entremêlés de tensions sociales ne cessent d’occasionner des répercussions économiques critiques et très graves pour l’avenir du pays. La misère bat son plein, déposant plus particulièrement la masse dans un état d’infortune lamentable, chaotique et révoltant.
Le sinistre tableau de la société haïtienne, Hector Hyppolite et Jean René Gérôme l’auraient peint avec des larmes. Pas un acte concret n’a été posé pour régulariser la triste réalité, sinon que des palabres à n’en plus finir et des promesses à l’oral. Il y a lieu de s’inquiéter et de se poser continuellement des questions quant aux meilleures d’Haïti : Des suites d’interrogations qui concernent tous les haïtiens et les haïtiennes.
Depuis janvier 2010 les fissures sont loin d’être réparées. La terreur des premières secousses est encore là. Mais Haïti, comme toujours, veut rester optimiste envers et contre tout. Parce que nager dans le pessimisme c’est choisir tout simplement de ne pas apporter une pierre participative en adoptant une attitude de spectateur passif face à une situation très compliquée.
Quatre ans dans l’impossible, nous peuple d’Haiti, sommes tenus ! Mais il y a de quoi à être sceptique au sujet de l’avenir, quand le présent est très critique. Un lendemain meilleur suppose d’abord des préparatifs de base. Il faut identifier ce qui nous empêche d’avancer. La devise «l’union fait la force» implique aussi de savoir avec qui s’unir pour sortir du bourbier une bonne fois pour toute.-
Thélyson Orélien
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CHRO_GENESTAR_17_01_Nous_ne_sommes_pas_tous_des_Haitiens_2_28
* Extrait de l’édito du 17 janvier 2010 de RFI, par Alain Genestar
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Tellement vrai ce texte, en ce moment il faut voir aussi l’hypocrisie sur les antennes et les réseaux …
“La devise «l’union fait la force» implique aussi de savoir avec qui s’unir pour sortir du bourbier une bonne fois pour toute.-” J’apprécie bien ce passage, d’autant que certains “opportunistes” ont bien profité du drame du 12 janvier 2010 pour remplir leurs comptes bancaires au nom de toutes ces victimes qui connaissent encore de la vie misérable sous les tentes à Port-au-Prince.