Poumon de la planète, l’Amazonie joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial et abrite une biodiversité unique. Pourtant, malgré les alertes des scientifiques et des défenseurs de l’environnement, les gouvernements sud-américains intensifient leurs politiques d’exploitation minière, mettant en péril non seulement l’écosystème mais aussi les peuples autochtones qui vivent dans ces forêts depuis des millénaires.
Depuis quelques années, plusieurs États de la région ont assoupli leur réglementation environnementale pour attirer les investissements dans le secteur minier. Au Brésil, en Colombie et au Pérou, des permis d’exploitation sont délivrés en masse, y compris dans des zones officiellement protégées. Cette situation aggrave la déforestation et entraîne des conflits violents avec les populations locales, victimes directes de cette expansion incontrôlée.
L’essor du secteur minier : un choix politique assumé
Dans plusieurs pays amazoniens, l’exploitation minière est présentée comme un moteur de développement économique. Le Brésil, sous le gouvernement Bolsonaro (2019-2022), avait largement ouvert les terres autochtones aux industries extractives. Bien que son successeur Lula da Silva ait promis un virage écologique, la pression des lobbies miniers reste forte et les politiques mises en place continuent d’encourager l’extraction des ressources naturelles.
En Colombie, le gouvernement a récemment octroyé plus de 1 200 nouveaux permis d’exploitation dans la région amazonienne, incluant des concessions dans des zones protégées. Officiellement, ces mines doivent respecter des normes environnementales strictes, mais les mécanismes de contrôle sont insuffisants, laissant la voie libre aux abus.
Le Pérou suit une trajectoire similaire, où l’exploitation illégale du cuivre et de l’or a explosé ces dernières années. Encouragée par la hausse des prix sur le marché international, cette activité a conduit à la destruction massive de forêts primaires et à la pollution des rivières.
Les peuples autochtones d’Amazonie subissent de plein fouet les conséquences de ces politiques extractivistes. Contamination des cours d’eau, destruction des terres agricoles, déplacements forcés : les impacts sont multiples et dévastateurs.
L’un des exemples les plus frappants est celui du peuple Yanomami au Brésil. Depuis des années, l’exploitation minière illégale empiète sur leurs territoires, entraînant une crise humanitaire majeure. En 2022, le gouvernement brésilien a découvert que plus de 570 enfants yanomamis étaient morts de malnutrition et de maladies liées à la contamination des eaux par le mercure utilisé dans l’extraction de l’or.
Dans d’autres régions, les conflits entre les peuples autochtones et les exploitants miniers s’intensifient. Les leaders indigènes qui s’opposent aux projets destructeurs sont victimes d’intimidations, de menaces et parfois d’assassinats. Depuis 2015, plus de 200 défenseurs de l’environnement ont été tués en Amazonie, faisant de la région l’une des plus dangereuses au monde pour les militants écologistes.
Une législation environnementale affaiblie
Au-delà des permis miniers, les gouvernements facilitent également l’exploitation des ressources naturelles en réduisant les contraintes légales sur les industries extractives.
- Brésil : Plusieurs lois adoptées ces dernières années ont réduit les protections environnementales, notamment en limitant la capacité des agences de régulation à bloquer les projets miniers.
- Colombie : Une réforme récente permet aux entreprises d’exploiter des terres en attente de classification environnementale, ouvrant ainsi des portes à l’exploitation dans des zones jusqu’ici considérées comme protégées.
- Pérou : Le gouvernement a augmenté la surface de terres disponibles pour l’extraction minière, tout en assouplissant les contrôles sur l’utilisation des produits chimiques, notamment le mercure.
Ces décisions politiques, justifiées par la nécessité de relancer l’économie après la pandémie de COVID-19, ont eu des conséquences désastreuses pour les écosystèmes amazoniens.
En plus des concessions officielles accordées par les gouvernements, l’exploitation illégale des ressources naturelles prolifère, aggravant encore plus la situation. Les mafias minières profitent de la faiblesse des États et de la corruption pour envahir les territoires protégés, souvent avec la complicité d’acteurs locaux.
Le mercure utilisé dans l’extraction de l’or est une catastrophe écologique majeure. Chaque année, plus de 100 tonnes de mercure sont déversées dans les rivières amazoniennes, empoisonnant les populations locales et perturbant la chaîne alimentaire.
Certaines études montrent que plus de 60 % des poissons consommés en Amazonie présentent des niveaux de mercure dangereux pour la santé humaine. Les populations indigènes, qui dépendent directement de ces ressources, souffrent d’empoisonnements chroniques, entraînant des maladies neurologiques graves.
La COP 30 : une chance pour inverser la tendance ?
La COP 30, qui se tiendra au Brésil en 2025, représente un moment clé pour redéfinir les politiques environnementales en Amazonie. La pression internationale sur les gouvernements sud-américains est forte, mais les résultats des précédentes COP laissent sceptiques quant à la volonté réelle des États à agir contre les industries minières.
Les défenseurs des droits autochtones espèrent que ce sommet mettra enfin la question de la reconnaissance des terres autochtones au centre des discussions, afin de protéger légalement ces territoires contre l’exploitation abusive.
Par ailleurs, des initiatives comme le financement du carbone bleu ou les fonds internationaux pour la protection des forêts tropicales pourraient constituer des alternatives économiques viables, permettant aux pays amazoniens de préserver leur patrimoine naturel tout en bénéficiant de revenus.
L’Amazonie est à un tournant. Si les gouvernements continuent à privilégier les intérêts des industries extractives au détriment de l’environnement, nous risquons une catastrophe écologique irréversible. La destruction des forêts tropicales ne concerne pas seulement l’Amérique du Sud, mais l’ensemble de la planète, tant leur rôle dans la régulation du climat est crucial.
Les peuples autochtones, premiers gardiens de cette biodiversité, sont aujourd’hui en danger. Leur lutte est aussi la nôtre, car sans leur résistance, l’Amazonie pourrait bientôt cesser d’être un rempart naturel contre le changement climatique.
À l’approche de la COP 30, il est impératif que la communauté internationale exige des engagements concrets des gouvernements sud-américains pour stopper l’octroi anarchique de permis miniers et renforcer la protection des territoires autochtones. L’avenir de l’Amazonie, et de l’humanité, en dépend.