Dans la nuit du 22 décembre, à une heure où les algorithmes veillent plus que les humains, je me suis réveillé sans Facebook. Pas sans électricité. Pas sans eau. Pas sans dignité. Sans accès.
Mon compte avait disparu de mes mains. Ma page, elle, est toujours là, visible, intacte, mais désormais hors de ma portée, comme une maison dont on a changé la serrure pendant que vous dormiez.
Quelqu’un, quelque part, a jugé nécessaire de me voler un accès. Pas une voiture. Pas un terrain. Pas même une idée originale, un droit de gestion sur une page Facebook. Ce qui, en 2025, relève à la fois du piratage numérique et du théâtre de boulevard.
Je tiens à rassurer mes pirates : ils n’ont pas piraté un coffre-fort. Ils ont piraté des mots, des chroniques, des silences réfléchis, des lecteurs patients. Ils ont hérité (temporairement) d’un espace où l’on doute plus qu’on ne crie, où l’on écrit plus qu’on n’insulte, où l’on pense plus qu’on ne vend. Autrement dit : bon courage.
Il faut une certaine misère intérieure pour croire que bloquer l’accès à une page, c’est faire taire une voix. Une certaine naïveté pour penser que l’identité numérique remplace l’identité réelle. Une certaine fatigue morale pour s’attaquer à une page plutôt qu’à ses propres limites.
Le plus ironique, dans cette histoire nocturne, c’est que ceux qui m’ont neutralisé virtuellement m’ont offert, sans le savoir, un luxe rare : le silence imposé. Une pause forcée dans le vacarme algorithmique. Une preuve supplémentaire que, dans ce monde, certains ne supportent pas la parole, surtout quand elle n’est ni violente, ni soumise, ni rentable.
Perdre l’accès à un compte Facebook n’est pas une tragédie. C’est un rappel. Un rappel que les plateformes ne sont que des passerelles, jamais des fondations. Un rappel que les pages peuvent être confisquées, mais pas la pensée.
Un rappel que les mots ne vivent pas dans des serveurs, mais dans les têtes. Un rappel que la pensée n’obéit à aucun code d’accès.
À ceux qui ont piraté : merci pour cette leçon involontaire. Vous m’avez pris un accès, pas une voix. Vous avez gardé une page, mais sans son souffle. Vous avez coupé un fil, pas le courant. Et comme souvent dans l’histoire humaine, ceux qui croient effacer ne font que révéler ce qu’ils sont : pressés, anonymes, et étrangement vides.
Quant à moi, je continue.
Avec ou sans accès.
Avec ou sans plateforme.
Toujours avec des mots.
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Qu’on se rassure : ils auront beau s’acharner, multiplier les manœuvres et les intrusions, Noël, lui, ne se pirate pas. On ne pirate ni les saisons qui reviennent envers et contre tout, ni les traditions, les valeurs et la culture qui traversent le temps, ni cette mémoire collective qui se transmet, sans mot de passe, de génération en génération.
Il existe des choses qui échappent aux clics, aux effacements et aux comptes suspendus. Noël en fait partie. Joyeux Noël !
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