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On le voit s’agiter, gesticuler, brandir des mots comme des amulettes contre le malheur qui accable Haïti. Garry Conille, le nouveau maître d’un navire en perdition, tente de réanimer les cendres d’un rêve collectif trop souvent trahi. Les Haïtiens, blasés par tant de promesses non tenues, l’observent avec une résignation empreinte d’une ironie mordante. Les politiciens défilent, les uns après les autres, sur la scène de l’histoire nationale, chacun avec sa vision de grandeur, mais tous finissent par tomber dans les oubliettes d’un pays où l’espoir n’a jamais su trouver racine.

Il fallait voir l’arrivée de ce gouvernement comme une mauvaise farce jouée à une population habituée à la tragédie. À peine nommé, Garry Conille se retrouve déjà confronté à une tâche qui dépasse de loin ses capacités, une montagne infranchissable, peuplée des fantômes de la dictature, des gangs sanguinaires, et des promesses d’élections crédibles non tenues. Mais que peut-on attendre de plus d’un homme qui hérite d’un État en ruines, où l’ordre public n’est plus qu’un souvenir lointain, une chimère que même les plus optimistes n’osent plus évoquer?

Les médias, toujours prêts à se repaître de l’échec politique, ont du mal à peindre un tableau apocalyptique de la situation. Le gouvernement de transition, comme un dernier recours avant l’effondrement total, est perçu avec un mélange d’indifférence et de cynisme. Les Haïtiens, fatigués de voir les mêmes scénarios se répéter, ont appris à ne plus espérer grand-chose des hommes en costume-cravate, qui font de beaux discours avant de disparaître dans l’oubli, emportés par la marée des frustrations populaires. Ce gouvernement a déjà franchi la période de grâce, laissant place à une désillusion palpable, une réalité amère que le peuple haïtien connaît trop bien.

À chaque visite de Garry Conille, une scène digne d’une tragédie grecque se joue. Le nouveau Premier ministre, visage grave, se rend sur les lieux des derniers méfaits des gangs, déambule parmi les ruines d’un pays défiguré par des années d’anarchie. Devant les caméras, il dénonce, promet, et jure de tout reconstruire. Mais derrière les mots, les regards des citoyens sont vides, témoins silencieux de décennies de déceptions. Les promesses s’envolent, les actions peinent à suivre, et les Haïtiens, résolus à survivre, ne se font plus d’illusions.

Les critiques fusent de toutes parts, mais elles glissent sur Garry Conille comme l’eau sur les plumes d’un canard. Il sait, tout comme ses prédécesseurs, que la tâche est titanesque, que les maux du pays sont enracinés dans une histoire complexe, marquée par les dérives du Parti haïtien Tèt Kale (PHTK) de Michel Martelly, dont il a été le Premier ministre du 5 septembre 2011 au 16 mai 2012. Son propre parti d’hier, qui le soutient jusqu’à aujourd’hui, serait lié aux crimes qu’il prétend vouloir combattre. Mais que peut-il faire face à la puissance des gangs, à l’impunité des criminels en col blanc, et à l’avidité des politiciens qui ne cherchent qu’à tirer profit de ce chaos?

L’incident à Ganthier, où des hommes armés ont pris d’assaut un commissariat, incendiant tout sur leur passage, est un exemple frappant de l’impuissance du gouvernement. Alors que Garry Conille tentait de rassurer les journalistes étrangers sur les mesures de sécurité, son cortège a été accueilli par des tirs d’armes automatiques. Une situation devenue banale dans ce pays où la violence est omniprésente, où les bandits dictent leur loi et où l’État n’est plus qu’une illusion.

Le gouvernement de transition, en grande pompe, promet de restaurer la démocratie et de préparer des élections crédibles d’ici 2026. Mais qui y croit encore? Les Haïtiens ont depuis longtemps appris à se méfier des promesses politiques, à ne plus attendre grand-chose de ces hommes en qui ils avaient, à une époque, placé leur confiance. Ils savent que les vraies décisions se prennent ailleurs, loin des regards, dans les bureaux feutrés des chancelleries étrangères, où le sort d’Haïti se joue depuis trop longtemps.

Et que dire des policiers kényans, appelés en renfort pour tenter de rétablir l’ordre? Leur présence est un aveu d’échec, une reconnaissance implicite que l’État haïtien n’a plus les moyens de garantir la sécurité de sa propre population. Garry Conille, entouré de ses gardes du corps, ressemble à un pantin manipulé par des forces qui le dépassent. Les Haïtiens, eux, regardent ce spectacle avec une amertume teintée d’humour noir. Ils savent que les solutions ne viendront pas de l’extérieur, que les policiers kényans ne feront qu’ajouter une couche supplémentaire au chaos ambiant.

Mais le plus risible dans tout cela, c’est l’insistance du Premier ministre à vouloir redonner confiance à un peuple qui a depuis longtemps cessé d’y croire. Lors de sa visite au ministère de l’Intérieur, il a appelé à identifier les véritables ennemis de la nation. Comme si cela était nécessaire. Les Haïtiens savent bien qui sont ces ennemis : ce sont les gangs qui sèment la terreur dans les rues, les politiciens corrompus qui pillent les caisses de l’État, les criminels en col blanc qui alimentent la violence.

Garry Conille, dans un discours empli de bonnes intentions, a promis de reconstruire les infrastructures détruites, de redonner au peuple le goût de vivre. Mais les Haïtiens ne se laissent plus duper. Ils savent que ces paroles ne sont que du vent, des mots vides de sens prononcés par un homme qui ne tardera pas, tôt ou tard, à disparaître de la scène, remplacé par un autre qui fera les mêmes promesses, avec le même manque de résultats.

Le chantier qui attend Garry Conille est colossal, certes. Mais ce n’est pas un chantier que l’on peut accomplir avec de beaux discours et des promesses creuses. Les maux d’Haïti sont profonds, enracinés dans une histoire de dictature, de corruption, de violence, de désillusion, d’appauvrissement, d’occupation, d’exploitation, de trahison, de misère sociale et d’injustice de toutes sortes. Et si les Haïtiens attendent encore quelque chose de leur gouvernement, c’est peut-être de ne plus être pris pour des idiots, de ne plus voir défiler ces politiciens qui, à chaque crise, promettent monts et merveilles avant de disparaître sans laisser de trace.

Le Conseil présidentiel de sept à neuf membres, ce cercle d’élus autoproclamés, investis d’une mission presque divine, semble plus prompt à découper le gâteau national qu’à éteindre l’incendie qui consume le pays. Ces messieurs, parachutés dans leurs rôles sans consultation populaire, se délectent à répartir les postes comme des parts de gâteau lors d’une fête dont le peuple n’a même pas été invité.

La scène frôle l’absurde : un pays en proie à une violence débridée, tandis que ces sauveurs autoproclamés se livrent à un jeu de chaises musicales, distribuant les privilèges à leurs alliés, sans jamais se soucier des flammes qui lèchent les fondations mêmes de la nation. Pourquoi ce Conseil réussirait-il là où d’autres ont lamentablement échoué? Peut-être parce que, finalement, le vrai problème à régler n’est pas l’insécurité, mais bien de s’assurer que chacun reparte avec sa part bien méritée du gâteau – même si le pays continue à brûler autour d’eux.

La tragédie haïtienne continue, et Garry Conille, malgré sa bonne volonté apparente, n’en est que le dernier acteur. Les Haïtiens, eux, observent ce spectacle avec un mélange d’amertume et de résignation. Ils savent que rien ne changera, que la violence continuera, que les promesses resteront des promesses, et que, finalement, ils devront continuer à se débrouiller seuls, comme ils l’ont toujours fait.

Auteur

Thélyson Orélien

Passionné par l'écriture, j'explore à travers ce blog divers sujets allant des chroniques et réflexions aux fictions et essais. Mon objectif est de partager des perspectives nouvelles, d'analyser des enjeux contemporains et de stimuler la pensée critique.
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