Mais comment peut-on parler de justice quand les juges tremblent à l’idée de rendre justice ? Quand des pontes de la Police nationale sont complices de bandits ? Comment oser évoquer le progrès lorsque l’on entraîne la population dans la boue, plongée dans un black-out total ? Et que dire du développement, alors que la faim étreint les entrailles de la majorité de la population ? À écouter les dirigeants haïtiens, on pourrait croire que tout est déjà résolu en Haïti.
Certaines âmes bien-pensantes jugeront peut-être qu’il est inutile d’aborder ces sujets ici, sur Internet, qu’il vaudrait mieux ne pas entraver le beau projet de relance de l’industrie touristique du pays. Peut-être est-il prudent, pour certains, de se boucher le nez pour mieux avaler l’eau nauséabonde, mais il est aussi essentiel, pour une fois au moins, de parler des véritables problèmes de ce pays, sans peur, sans crainte, avec la volonté de briser le silence.
La justice, le progrès et le développement sont devenus des concepts vides de sens, sans cesse engloutis par les vagues de la politique, de l’insécurité, de la pauvreté et de l’insalubrité qui submergent Haïti. Selon l’Agence France Presse, plusieurs milliers de personnes ont encore manifesté, jeudi 17 octobre, dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, ainsi que dans la deuxième ville du pays, Cap-Haïtien, pour protester contre la faim, le chômage, et pour réclamer la démission du régime en place. Ces voix meurtries, ces cris de désespoir, seront-ils enfin entendus ?
Bientôt quatre ans se seront écoulés depuis ce tremblement de terre sans nom, et pourtant, nous continuons de rêver d’un avenir meilleur. Quatre ans après, Haïti reste à genoux, enfoncée jusqu’au cou dans les sables mouvants de la misère et de l’insécurité. Et 1 103 jours après l’apparition du premier cas de l’épidémie importée par les Casques bleus de la Mission onusienne, quelle justice pour ces nouveaux démunis ? Il n’y a que celle des puissants, toujours inaccessibles aux plus vulnérables.
Haïti est à genoux, et le gouvernement persiste à nous mentir sur tous les fronts. Ils célèbrent en grande pompe, dans toutes les places publiques, les deux années de leur accession au pouvoir, alors que, à l’horizon, se dresse un bilan désastreux : le taux d’emploi a chuté de 5,6 % en 2011 à 2,8 % en 2013. Pourtant, le président de la République, sans vergogne, affirme que 400 000 nouveaux emplois ont été créés. Mais où sont-ils ? La ministre des Finances, refusant de corroborer ce mensonge éhonté, a été congédiée.
La mauvaise gestion du projet PétroCaribe bat de l’aile, et les projets éducatifs se réduisent à l’envoi de 6 millions d’enfants à l’école fondamentale d’ici 2016, pour une population totale de plus de 10 millions d’habitants sur 27 750 kilomètres carrés. Le gouvernement revendique avoir déjà envoyé 1 288 956 enfants à l’école ; souhaitons-le, mais l’enseignement universitaire est cruellement négligé. Les chiffres sont là, et ils ne mentent pas. Vive la statistique !
Le bilan du gouvernement Martelly-Lamothe est loin de répondre aux aspirations du peuple haïtien, malgré les carnavals à répétition et les mariages princiers conçus pour éblouir les yeux les plus crédules. La manifestation de la semaine dernière en est la preuve éclatante.
Aujourd’hui, on nous parle d’élections. Des élections dont on nous assure qu’elles seront irréprochables, tant elles seront crédibles, tant elles paraîtront “potables”. Ces élections à venir, comme si elles seules devaient nous conduire aux rives de la justice, du progrès et du développement. Je vous le jure, mes amis, ce jour-là, pas moins de 45 partis politiques s’engageront dans la course. Quarante-cinq partis, maîtrisant l’art d’entraver le fonctionnement du pays, de la justice, du progrès et du développement.
Après les résultats, il sera bien temps de se poser la question : la justice, le progrès et le développement, avec quels acteurs ? En Haïti, ils sont des centaines d’hommes et de femmes cravatés et costumés, malgré la canicule, à faire le pied de grue devant un bureau électoral pour s’inscrire et espérer devenir les champions du changement. Du vrai théâtre, rien de plus ! Et c’est de cette manière même que nous avons aujourd’hui un homme qui ne sait que chanter à la barre des affaires de l’État. Mais pourquoi donc en parler ?
Il n’y a qu’une seule certitude dans ce pays : les fonds publics finiront tôt ou tard par être expatriés aux quatre coins du globe, pour au moins dix ans. Dix ans : un zéro. Dix ans. Dix, c’est un nombre maudit. Celui qui a osé mentionner ce chiffre en politique a été évincé la même année. Dix : un zéro. Dix ans : deux mandats présidentiels. Les mandats, voilà ce qui tient encore en vie notre pays, Haïti.
P.S. : Après tout ce que je viens de dire, mes amis, ne croyez-vous pas que je mérite une prime d’assurance ?
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